The National – ‘Sleep Well Beast’

The National – ‘Sleep Well Beast’

Album / 4AD / 08.09.2017
Pop


Faites-vous une raison : The National n’a plus rien du groupe indie que vous écoutiez il y a dix ans pour panser les plaies de vos premières vraies ruptures amoureuses (‘Fake Empire’ en boucle sur l’iPod). On retrouve dorénavant les quadras américains sur les grandes ondes, les playlists Spotify des mamans, ou en première position du classement ‘Alternative Songs’ de Billboard, juste devant Arcade Fire. C’est dire si The National s’est mué peu à peu – à chaque nouvel album en fait – en ‘machine’ à rassembler les foules. Mais reconnaissons au groupe de n’avoir jamais rien lâché sur le terrain de l’élégance mélodique ou de l’exigence.

C’est qu’il sait depuis ses débuts jouer à merveille sur différents équilibres : aligner les couplets pop pleins d’évidence tout en introduisant dans chacun d’eux une volonté de recherche formelle et un véritable soin pour la production. Derrière ce goût pour les trouvailles sonores, saluons d’ailleurs les frères Aaron et Bryce Dessner, guitaristes et principaux compositeurs du groupe, qui œuvrent de façon régulière dans la musique contemporaine en compagnie, entre autres, des maîtres Steve Reich ou Philip Glass*.

Ce qui frappe pourtant en premier sur ce ‘Sleep Well Beast’, c’est l’amplitude émotionnelle de ses morceaux – saluons au passage la voix caverneuse de Matt Berninger – toujours enclins à visiter avec pudeur la complexité des rapports humains dans la sphère intime. Chaque titre s’articule et se dilue dans les suivants, souvent avec retenue (‘Nobody Else Will Be There’, ‘Walk It Back’, ‘Empire Line’, ‘Sleep Well Beast’), plus rarement avec rage (‘The Day I Die’, ‘The System Only Dreams In Total Darkness’, ‘Turtleneck’). C’est d’ailleurs l’un des changements les plus perceptibles : là où des albums comme ‘Boxer’ ou ‘High Violet’ s’appréhendaient parfois comme des collections de singles efficaces, ici l’atmosphère globale prime par une production aérée privilégiant l’allongement de plages minimalistes à la recherche de ‘climax’.

Ainsi, The National peut flirter avec les grands sentiments héroïques sans virer du côté U2 de la force. C’est en tout cas l’impression qui ressort après de multiples écoutes de ‘Sleep Well Beast’. Les rythmiques séquencées et autres bidouillages électroniques peuvent notamment évoquer l’alambiqué ‘The Age of Adz‘ (2010) de Sufjan Stevens, autre tête chercheuse parvenant à concilier musique populaire et nécessité d’expérimentation.

On finit du coup par se demander comment pareille entreprise parvient à tenir sur ces différents points d’équilibre pendant près d’une heure sans jamais vaciller. Presque un mystère la même année où plusieurs formations auparavant célébrées sur ce site parviennent difficilement à parler au plus grand nombre tout en conservant leur rigueur artistique (on pense notamment aux dernières livraisons d’Arcade Fire et Queens of The Stone Age). Alors disons-le : The National est un vrai-beau groupe capable de parler au plus grand nombre sans ressembler à une grosse tarte à la crème. Et, on vous rassure, vous trouverez toujours auprès d’eux de grandes chansons pour accompagner vos moments de faiblesse.

* à ce sujet, on vous renvoie vers le très bon dossier concocté par le magazine Magic, n°202 paru en janvier dernier, sur les filiations entre pop moderne et création contemporaine.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
‘Nobody Else Will Be There’, ‘Born to Beg’, ‘Guilty Party’, ‘Dark Side of the Gym’, ‘Sleep Well Beast’


Tags:
,
Pas de commentaire

Poster un commentaire