20 Jan 23 The Murder Capital – ‘Gigi’s Recovery’
Album / Human Season / 20.01.2023
Indie post punk
Sombre, urgent, froid, colérique et inquiétant, When I Have Fears assénait en 2019 une claque inattendue, devenant un des meilleurs albums du désormais bien connu revival post-punk, alors à ses balbutiements. Une réussite qui a propulsé ses auteurs en haut de la pyramide des groupes les plus prometteurs d’alors. Puis le silence, imposé il est vrai par la pandémie, mais qui s’est étendu jusque sur les réseaux sociaux, laissant planer le doute quant au futur de The Murder Capital à l’heure de la communication constante : le quintet s’était-il replongé dans un processus créatif, ou n’était-il finalement qu’une étoile filante fauchée en plein vol par le succès et le Coronavirus ? Trois ans après la sortie de ce premier album, et alors que la question s’invitait sur les lèvres de fans approchant la résignation, débarquait Only Good Things, un étonnant premier aperçu à l’accent brit-pop, tout en couleurs printanières. Qu’était donc devenu The Murder Capital ?
On a tous connu ce pote qui change complètement de personnalité quand il tombe amoureux. Autrefois plutôt ténébreux, James McGovern semble ne pas y avoir échappé à l’entendre maintenant se balader nonchalamment au milieu d’un champ de fleurs, l’optimisme en bandoulière. Stupéfaction ! Où est passée la colère ? Le désespoir ? The Murder Capital aurait-il appréhendé l’exercice périlleux du deuxième album en prenant un virage à 180 degrés ? La réalité est un tantinet plus subtile. À l’instar des habitants du film Pleasantville dès qu’ils goûtent aux plaisirs de l’amour, Gigi’s Recovery gagne en couleurs à mesure que défilent ses titres.
Avant même de lancer la lecture de l’album, l’évolution est frappante. On passe d’une pochette aux tons froids sur laquelle des protagonistes sans visage sont emberlificotés dans un drap étouffant, à une peinture dégageant une sensation de paix, d’introspection, pleine de couleurs et de promesses. Un coup d’œil à la track-list confirme cet état de fait : Gigi’s Recovery, dont le nom lui même est très parlant, commence sur Existence, une intro lancinante où le quotidien semble être subi, et s’achève sur l’outro Exist dont la guitare acoustique et la voix assurée de McGovern résonnent comme une bonne résolution, une foi inébranlable en un avenir lumineux.
Et pour cause : plutôt que de se morfondre dans la monotonie d’un quotidien sacrifié par la pandémie, le groupe a préféré célébrer la vie dans toute son intensité. The Murder Capital est passé de l’ADSL à la fibre ! Bienvenue dans la HD ! Proposer une palette sonore variée était déjà une des caractéristiques des cinq compères qui avouaient écouter des choses très différentes de ce qu’ils composaient. Grâce à cette ouverture d’esprit, les textures sont cette fois-ci plus variées encore. Ethel, dont les premières notes renvoient à Cobain, a ce petit côté grunge qu’on aimait déjà sur On Twisted Ground. Sur Return My Head, rythmique et mélodies saturées se superposent impeccablement sans jamais nous perdre dans un fouillis assourdissant, dans une juste mesure pour étayer le propos, se retourner la tête sans la faire exploser. Tandis qu’on assiste à une maîtrise parfaite de l’art de maintenir la pression en équilibre sur un fil avec The Stars Will Leave Their Stage, l’album passe officiellement dans un mood plus serein avec la surprenante déclaration d’amour qu’est l’expérimental et ambient Belonging. Quant à elle, la voix de James est toujours aussi articulée, mais elle chante vraiment, s’exprime et atteint le cœur de ses auditeurs sans faillir, notamment sur ce qui pourrait bien être le meilleur morceau de l’album, We Had To Disappear. Peut-être une explication sur l’attente que le groupe nous a imposé durant trois ans.
Découvrir Gigi’s Recovery au fur et à mesure qu’il s’égrène est un plaisir comparable à la lecture d’un bon roman dont la fin nous laisse pantois, émus et satisfaits. Enthousiasme exacerbé de début d’année ou réelle intuition, ce nouvel album de The Murder Capital pourrait d’ores et déjà figurer parmi les meilleurs disques de 2023. Que l’amour dure toujours !
A ECOUTER EN PRIORITE
Return My Head, Ethel, The Stars Will Leave Their Stage, We Had to Disappear
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