The Austerity Program – ‘Bible Songs 2’

Album / Controlled Burn / 02.05.2025
Noise

Cela fait bientôt trente ans que Justin Foley et Thad Calabrese érigent avec The Austerity Program une noise virulente qu’ils définissent avec ironie comme inamicale et caustique. Les new-yorkais ont toujours entretenu une fascination pour la sidération et la musique extrême, qu’ils réamorcent à chacun de leurs disques, bousculant volontairement les émotions les plus primitives jusqu’à parfois créer l’inconfort. Malgré l’avancée en âge, les deux n’ont visiblement pas l’intention de changer la donne. Toujours habités, ils donnent avec Bibles Songs 2 une suite à leur vision bancale de la musique sacrée, entamée sept ans plus tôt avec Bible Songs 1, dont les versets taquinent encore l’échine.

Passée l’introduction plus flegmatique de Lamentations 4 4-11, où la basse rectiligne de Calabrese donne l’opportunité à Foley d’inscrire crescendo sa voix haut perchée, le sol se dérobe sous les coups de butoir d’un accord lapidaire en guise de signal d’alarme. Judges 19 22-29 indique alors la direction que prendra le reste de l’album : châtiment, punition, chaos… L’apocalypse selon The Austerity Program reprend ainsi son immuable procession. Dans la continuité de leurs lectures bibliques, les deux performers, guitare stridente et basse grondante en guise de bâtons de pèlerins, soutenus par leur indissociable programmation rythmique elle aussi atteinte d’une rage pernicieuse, assènent coup sur coup leurs fidèles déflagrations corrosives (Joshua 7 6-26, Revelations 7 6-13). Résolument radical et frontal, brut autant que brutal, le groupe garde son cap avec cette même recette de revirements incessants de direction, affolant le magnétisme d’une boussole dont l’aiguille en surchauffe (tout comme nos corps) n’arrive plus à suivre le mouvement. Une manœuvre vicieusement orchestrée où seules quelques rares stries mélodiques apparaissent en guise d’appel d’air salutaire. Notamment grâce à la présence vocale de Foley qui, indispensable et hypnotique dans son rôle de prêcheur défroqué, habite une rage étouffante au milieu de cette instrumentation aride et dissonante, (Luke 3 4-9, Zephania 3 1-7,).

Si pour certaines formations, la musique et une échappatoire à la morosité du monde, The Austerity Program préfère nous rappeler que l’heure n’est pas à la fête. Sa noise glaciale et exténuante reste un exercice possiblement difficile à traverser, rappelant au passage ce que peut aussi être l’humanité : incommodante, dégueulasse, tout aussi fragile et mortelle. Bible Songs 2 est une expérience singulière, une performance de haute volée venant autant compléter que se placer d’égal à égal avec les autres disques du groupe. Un coup de grâce doublé d’un coup de maître qui ne fera probablement pas l’unanimité, mais qui a le mérite de se révéler extraordinaire si l’on prend le risque d’être violenté dans ses certitudes.