Tess Park – ‘And Those Who Were Seen Dancing’

Tess Park – ‘And Those Who Were Seen Dancing’

Album / Fuzz Club / 20.05.2022
Dream pop psyché

C’est un lourd fardeau que d’être une muse. Égérie de la scène indé anglo-saxonne, grâce notamment à Anton Newcombe qui l’a portée au pinacle en co-produisant deux albums avec elle, la canado-londonienne Tess Parks revient avec un second album solo (le premier a déjà presque dix ans) traversé jusqu’à plus soif d’atmosphères éthérées et lancinantes.

On compare souvent, et à juste titre, Tess Parks à Hope Sandoval, autant pour sa voix que son attitude. Mais un grand nombre de profils de muses pop semble convenir à l’égérie de Newcombe : Françoise Hardy, Jane Birkin, Patti Smith, Marianne Faithfull, toutes icônes incarnant dans leur chair et leurs mots une certaine idée de la poésie, de la fragilité, et du combat. L’image de la muse qui nous est donnée à voir sur la pochette a cela d’édifiant : elle mêle sans fard sur son visage la mater dolorosa accablée et l’abnégation des gardiennes de la flamme.

Devenir malgré soi une référence pour les autres est un poids, car on finit par attendre beaucoup de quelqu’un qui a finalement peu produit. Mais être une muse ne garantit pourtant pas de faire de bons albums. Alors qu’en est-il de And Those Who Were Seen Dancing ? Disons-le tout de suite, si on prend plaisir à écouter chacun des titres pour eux-mêmes, on se lasse sur la durée de l’album, qui se révèle malgré tout sans grande variété. 

Le problème vient de la systématisation de la formule : on pose deux accords, harmonieux, efficaces et minimalistes, répétés en boucle sur la durée de la piste. Puis la voix de Tess vient assurer la mélodie. Puis les guitares ou les claviers saturés de réverbération apportent tranquillement toute leur densité psychédélique, semblant improviser autour du thème. Ainsi, le début d’album est une vraie claque : Wow impose la voix traînante de la chanteuse sur des nappes dream pop impeccablement spatialisées. Suzy & Sally’s Eternal Return fait déjà tiquer, tant elle semble reproduire le titre précédent, accordant malgré tout  plus de place aux guitares et aux percussions, mais on ne s’en formalise pas, Happy Birthday Forever s’imposant ensuite avec évidence comme le plat de résistance de l’album, avec ses gimmicks et sa percussion ‘boite à rythme’ digne d’un très bon Mark Oliver Everett.

S’enchaînent le plus bluesy We Are The Music Makers And We Are The Dreamers Of Dreams, la longue et obsédante narration de Brexit at Tiffany’s, les intrigants lalalala de Old Life, puis les clins d’oeil évidents au Brian Jonestown Massacre, Do You Pray et I See Angels, sur lesquels les guitares tirent l’album vers des contrées résolument rock. En guise de pas de côté, ou de dévoilement vers l’intime, Saint Michael, piano-voix à l’écho de cathédrale évoluant vers une tentation électronique, vient conclure l’album d’une empreinte mystique saisissante.

Mais si chaque titre est une réussite, écouter l’intégralité de l’album d’une traite peut s’avérer éprouvant. La voix de Tess Parks, aussi envoûtante soit-elle , finit par devenir monolithique, voire affectée, et ses mots plus soufflés qu’articulés, maniérés. La proximité des accords de base d’un titre à l’autre, la similaire construction de chaque piste, renvoient l’image d’un ensemble de variations autour d’un même thème, plus qu’un album construit, charpenté, narratif. On peut considérer que c’est du détail, au regard du plaisir d’écoute de chaque titre séparément, mais pour éviter le risque de saturation à moyen terme, on conseillera quand-même l’écoute de ce qu’on veut, quand on veut, mais pas forcément en une seule fois. En respectant cette posologie, la muse continuera de nous inspirer.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
WOW, Happy Birthday Forever, We Are The Music Makers And We Are The Dreamers Of Dreams, Do You Pray, Saint Michael

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