
24 Fév 23 Taste – ‘Taste EP’
Ep / Autoproduit / 24.02.2023
Cold wave – electro punk
Fin novembre 2022, Taste présentait son premier single, Shame Game, et montrait de quelle manière les deux musiciens et producteurs français Yan Wagner et Alexandre Berly – alias La Mverte – allaient se servir de ce nouveau projet pour fusionner l’électro pop de l’un avec la synth wave plutôt sombre du second, en saupoudrant le tout d’influences rock plutôt bienvenues. Accompagné d’un clip ludique et ironique dans lequel des images du gratin de la musique populaire de ces soixante dernières années se voyaient affublées d’une bouche grotesque mimant les paroles, ce morceau fondateur alternait les couplets marqués par la noirceur d’une forme d’EBM avec des refrains aux accents plus pop, rappelant l’efficacité troublante des Love Songs With A Kick de l’excellent David Shaw (sur le label duquel, d’ailleurs, officie La Mverte). Les deux autres singles publiés depuis, Bang Bang Bang et Day Of The Low-Cost, confirmaient que l’identité musicale du groupe se forgeait dans cette ambiguïté, révélant par là même tout le talent et l’intelligence de ses deux fondateurs, capables d’articuler leurs propres particularités afin que chacune d’entre elles se voit nuancée et réorientée dans leur confrontation.
Vient à présent l’heure de l’EP inaugural qui présente deux nouveaux titres en plus de ceux déjà sortis. Taste y affirme un éclectisme musical soufflant sans cesse le chaud et le froid, en variant les genres sans jamais se perdre. Après tout, le nom du groupe l’annonce bien, en musique comme dans n’importe quel art, tout est affaire de goût, or, comment celui-ci se forme-t-il sinon par l’accumulation des expériences, que l’on s’efforcera patiemment de comparer pour finalement les ordonner d’une manière singulière ? Le goût de Yan Wagner et La Mverte, c’est celui, bien sûr, de la musique électronique, mais également le psychobilly de Bang Bang Bang et de Gumball Gary, auquel s’ajoute une voix qui rappelle le Iggy Pop de Zombie Birdhouse ; c’est aussi le Krautrock – et la transmutation funky que Devo lui faisait opérer- sur le formidable Day Of The Low-Cost qui, d’une manière assez excitante, bifurque soudainement du côté du Bowie de Lodger ; et ce sont finalement les guitares à la limite de l’indus qui, régulièrement, donnent de la puissance aux morceaux tout en étant contrebalancées, en filigrane, par des insertions pop assurant la légèreté du tout.
Mais ce petit jeu des références ne saurait masquer l’essentiel : à savoir que Taste est un groupe anguille qui ne cesse de glisser entre les doigts de la critique, résistant à la tentation qu’aurait celle-ci de le ranger définitivement dans une chapelle musicale. Cette attitude esthétique s’inscrit clairement dans la pratique du détournement qui, en créant un carambolage des styles et des genres, assure entre ceux-ci des connexions fluides et imprévues, permettant ainsi à l’auditeur de se réjouir de l’effet de surprise permanent et de s’affranchir du sérieux qui dérive inévitablement de la tendance à tout catégoriser rigoureusement. Au niveau visuel, d’ailleurs, Taste reconduit cette pratique pour l’artwork de ses différents singles, puisqu’on y voit des détournements de logos de grandes enseignes ou de pochettes d’albums cultes. De ce point de vue, le duo reprend à son compte les fondamentaux de l’art contemporain – et du situationnisme en particulier – en jouant avec les codes du marketing publicitaire pour mieux le subvertir. La réussite de cet EP malin et séduisant tient ainsi dans sa capacité à faire danser tout en jetant le trouble, ce qui est le meilleur moyen de transformer le divertissement en expérience libératrice.
A ECOUTER EN PRIORITE
Day Of The Low-Cost, Shame Game
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