04 Mar 10 Tamikrest – « Adagh »
Album
(Glitterhouse)
01/03/2010
Blues malien
Sans Tinariwen, ce premier album de Tamikrest ne serait certainement jamais parvenu à nos oreilles… Ousmane Ag Mossa, le leader du groupe originaire de Tinza, un petit village du Nord-Est malien à la frontière avec l’Algérie, est d’ailleurs le premier à le reconnaître. Dès l’âge de 5 ans, il découvre les premières chansons de Tinariwen, avant d’apprendre quelques années plus tard le style de guitare tamasheq en écoutant une cassette qu’Ibrahim, co-fondateur du groupe, avait enregistrée en 1998 en Algérie. Ousmane et les autres ont connu très tôt la rébellion et la guerre, la sécheresse et la famine, l’exil forcé et le discrédit de leur peuple. A la violence des armes, ils ont choisi la puissance pacifique de la musique tamasheq, née de la colère et de la lutte pour une vie meilleure. En 2006, ils décident de former un groupe à Kidal où ils ont tous atterri. Ils s’appelleront Tamikrest, qui signifie en langue tamasheq le nœud, l’union.
Leur style, aux influences multiples, tant traditionnelles qu’occidentales, connaît rapidement un franc succès, qui leur vaut de pouvoir se produire au célèbre Festival au Désert d’Essakane, près de Tombouctou. C’est au cours de cette expérience extraordinaire qu’ils rencontrent les membres du groupe de rock alternatif américain Dirtmusic, avec lesquels ils tissent une amitié qui conduira à l’enregistrement de leur premier album à Bamako grâce à l’aide de Chris Eckman. « Adagh » est un opus dégageant une énergie rare, puisée dans la jeunesse et la remarquable maîtrise instrumentale du groupe. Si la filiation entre Tinariwen et Tamikrest s’explique autant qu’elle s’écoute, la musique du groupe de Kidal est loin de se résumer à celle de ses pères spirituels. Représentants de la nouvelle génération de musiciens Touaregs, les membres de Tamikrest se battent pour faire vivre la musique traditionnelle de leur peuple, condamnée à mourir si personne ne prend le relais, et pour faire entendre leur voix au monde entier. Ils n’hésitent pas à y injecter les multiples influences avec lesquelles ils ont grandi dans les années 80 et 90: le blues omniprésent, qui imprègne profondément le style tamasheq (« Outamachek », « Aïcha », « Tidite Tille »), le rock (« Tamiditin » et ses lignes de guitare électrique), le reggae (« Tahoult »).
Ousmane, Cheikh, Pino et les autres chantent la culture et le mode de vie nomade touaregs, mais aussi leurs souffrances et leurs difficultés, la sécheresse, la corruption, l’arrogance des gouvernements malien et nigérien, la sédentarisation contrainte. Leurs rythmes sont tantôt enjoués et puissants, tantôt plus nonchalants, calqués sur le rythme serein du désert, voire mélancoliques, comme dans le magnifique « Aratane N’Adagh », qui chante la lutte contre l’ignorance, ou « Adagh », à la douceur qui colle des frissons. Tinariwen peut donc être fier d’avoir trouvé en Tamikrest un successeur digne de ce nom, qui poursuit la transmission de la riche musique touarègue en y mêlant ses jeunes influences. « Adagh » est sans conteste un premier album très prometteur, méditatif, spontané, poétique, et garant d’un engagement originel qui ne demande qu’à s’exprimer en musique.
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