Takana Zion – “Zion Prophet”

Takana Zion – “Zion Prophet”

Zion Prophet[Album]
18/06/2007
(Makafresh/Pias)

L’Afrique connaît aujourd’hui une effervescence artistique rare, susceptible d’apporter une fraîcheur et un dynamisme nouveaux au monde musical, pollué de toutes parts par le conformisme commercial à l’occidental… Trop souvent marginalisés par la critique et l’industrie du disque, les artistes africains ont pourtant de quoi faire parler d’eux. Dans sa démarche essentielle pour la promotion du reggae contemporain, le label Makafresh, petit frère de Makasound, semble l’avoir compris et fait aujourd’hui escale à Bamako (devenue le centre de gravité du reggae africain sous l’impulsion de Tiken Jah Fakoly) pour nous présenter “Zion Prophet”, fruit d’une très belle rencontre entre le Guinéen Takana Zion, tout juste âgé de 21 ans, et le talentueux producteur français Manjul, installé depuis 2001 au Mali avec son label Humble Ark..

Inutile de se livrer à des présentations interminables, il n’y a qu’à écouter cet opus d’une générosité rare pour plonger au coeur de l’univers de Takana Zion. Les treize titres chantés par le Guinéen, complétés par six versions dub de Manjul, débordent d’énergie et de chaleur. Incontestablement, Takana donne dans cet album une partie de lui-même, chantant dans les différentes langues fondant son identité multiculturelle (dans ses langues maternelles Soussou et Malinké mais aussi en Français et en Anglais). Si ses talents vocaux nous poussent volontiers à le comparer à un Jah Mason (dans “Depui Assiingé” par exemple) ou à un Sizzla, son très jeune âge n’a pas empêché Takana de réaliser un album d’une maturité et d’une singularité vocale et artistique incroyables. Les styles de chant varient au gré des langues employées et s’accordent à la perfection avec les riddims de Manjul, riches et métissés. Du style nyabinghi de “Oh Jah”, puissant et mystique, au nu-roots percutant et énergique de “Depui Assiingé”, “Zion Prophet” ou “E Oulé Fu”, en passant par des sonorités plus roots dans “La Voie De Mount Zion” ou “Come In My Hands”, le duo Takana/Manjul excelle, prouvant une fois de plus que le reggae africain a sa place dans la cour des grands. Le titre le plus intéressant de l’album reste sûrement “Sweet Words”, une splendide fusion reggae/jazz/soul, marque de fabrique de Manjul, et dans laquelle on découvre encore d’autres facettes de la voix du jeune chanteur..

La seule petite réserve que l’on pourrait émettre au sujet ce très beau “Zion Prophet” concerne peut-être les titres chantés en Français… Dans “Conakry”, “Des Millions De Morts” ou “Pas Soif De Gloire”, le Guinéen délaisse un temps son style nu-roots chanté/slamé incisif pour adopter un chant plus lisse et classique, qui, finalement, lui va moins bien… S’il existe peut-être une incompatibilité structurelle entre les sonorités de la langue française et les rythmes du one drop, on ne peut cependant que saluer l’initiative de Takana Zion de ne pas céder à l’hégémonie de l’anglais et d’expérimenter d’autres combinaisons musicales

Une chose est sûre, “Zion Prophet” est un album produit avec le coeur et les tripes, dégageant une grande liberté artistique. Sorte de voyage initiatique pour Takana Zion, ce premier opus transporte et interpelle, offrant au reggae la vague de renouveau dont il a besoin pour sortir du moule des origines jamaïcaines. Animés par une volonté constante de faire progresser le genre et de le mêler aux traditions musicales africaines (comme en témoigne le nouvel album de Manjul, “Jahtinguiya”, sorti en avril), Takana et Manjul ont certainement produit un des albums les plus réussis de l’année. A croire que l’avenir du reggae se trouve bel et bien en terres africaines…

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