Sufjan Stevens – ‘Javelin’

Sufjan Stevens – ‘Javelin’

Album / Asthmatic Kitty / 06.10.2023
Pop divine

Sufjan Stevens transforme le plomb en or, la fragilité en force. On connaît depuis des années les qualités alchimiques de sa musique et on attend, avec enthousiasme, chacune de ses sorties. Avec crainte aussi car être déçu par cet ange de la pop briserait un enchantement. Cette heure n’est heureusement pas encore arrivée, la magie Stevens se renouvelant dans la pop cristalline de chaque titre de Javelin, nouvelle masterclass de sa discographie.

Sa discographie étant pléthorique et pavée de tant de pas de côté, d’expérimentations et de collaborations, on soulignera juste que Javelin est le neuvième album solo de l’américain, le premier depuis The Ascension en 2020 et le premier en tant qu’auteur-compositeur-interprète depuis l’intouchable Carrie & Lowell en 2015 dont il se veut, musicalement parlant, l’héritier direct.

Mais pas de clonage dans les intentions de Stevens. Il a assez baroudé depuis dix ans pour avoir renouvelé ses sonorités et affermi ses propos. Pas de concept album ici, pas de tableau familial, pas de dévoilement intime, sinon au travers de grandes réflexions universelles sur les émotions qui nous traversent tous, de la mort d’un être cher au papillonnement d’un premier baiser. Sufjan Stevens est l’apologue de l’altérité, de l’ouverture à l’autre, de la complétude par la diversité. Donneur de leçon ? Prechi-precha ? Ceux que sa religiosité rebute passeront encore leur chemin, clairement, car Javelin regorge encore de références théologiques, la plus évidente étant celle de Theillard de Chardin et son fameux ‘tout ce qui monte converge’ (Everything That Rises), formule qui servait déjà d’arrière-plan à l’album The Ascension.

La fusion ascensionnelle s’entend aussi dans la musique de Javelin. On y retrouve autant l’intimité de Carrie & Lowell que les jams de cordes et les superpositions de voix d’Illinoise ou Michigan. Tous les titres ou presque sont composés  sur le même modèle : un début dépouillé de folk brillante et sobre, montant vers des chorus et des arrangements cascadant, des collages sonores, des glitches, autant de marques de fabriques entendues jusqu’alors dans des productions plus expérimentales. 

Répétitif ? Si peu. Le savoir-faire du musicien est tel qu’on se laisse chaque fois emporter sans retenue, depuis le magistral Goodbye Evergreen jusqu’aux notes ultimes de la reprise de Neil Young (There’s A World). L’artiste est si inspiré qu’il n’a pas besoin de trouvailles ni de contre-pieds pour nous régaler. Il ressort encore de cet album la fraîcheur (la respiration de Shit Talk sur plus de huit minutes en est l’exemple parfait), l’évidence et la fluidité qui l’accompagnent depuis toujours.

Il n’y a plus d’effet de surprise avec Stevens, juste l’efficacité d’un savoir-faire arrogant et une maîtrise hallucinante des mélodies, des harmonies, des arrangements. La densité baroque de ses ’emballements’ en fin de titres fait oublier qu’il a tout fait seul. Et comme si la musique ne suffisait pas, le songwriter accompagne son livret d’un art-book et d’un recueil de textes. De quoi propulser ce Javelin encore très  loin dans son cosmos.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Goodbye Evergreen, Will Anybody Ever Love Me ?, Everything That Rises, So You Are Tired, Shit Talk

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