19 Mai 21 Sufjan Stevens – ‘Convocations’
Album / Asthmatic Kitty / 07.05.2021
Requiem
Rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît avec Sufjan Stevens. A l’écoute de Convocations, son nouveau quintuple album, on aimerait simplement conclure à un crash, mais comme il s’agit de Stevens, on se dit qu’il doit y avoir une explication à ce geste, et qu’il reste quelque chose à sauver.
Ce qui est évident, c’est que Convocations ne sera ni la bande son de notre déconfinement, ni celle de l’été. Mêlant l’universel et le personnel, comme souvent dans son oeuvre, le compositeur livre cinq chapitres d’à peine une demie heure et dix titres chacun (sauf le dernier, qui n’en comprend que neuf), aux noms pénétrés et réflexifs : Meditations, Lamentations, Revelations, Celebrations, puis Incantations. Son objectif est d’entrer en résonance avec sa peine et celle du monde, la douleur qui le frappe suite au décès de son père biologique (rien à voir avec le Lowell Brams de Carrie and Lowell, avec lequel il avait réalisé Aporia l’an passé) et la souffrance liée à l’isolement qui nous paralyse depuis plus d’un an maintenant. Convocations est le baume transcendantal de Stevens aux maux du monde.
Si l’intention est bonne, on a plus de doute sur le résultat. L’album est certes très structuré (heureusement, vue sa longueur), mais il ressemble à une accumulation d’extraits sonores sans objet, sans narration. Les courtes pistes, faites indistinctement d’échantillons de piano, de voix, de guitare, ou de machines, s’empilent sans qu’on discerne de but, de progression. Aussi agréable à entendre qu’il soit, car Stevens conserve ce don d’harmoniser et de faire jaillir de brillantes mélodies d’une matière presque brute, l’ensemble n’a pas de souffle et nous laisse à quai. Au final, si certaines envolées ne manquent pas de spatialité, Convocations résiste à une écoute concentrée et ravira plutôt les amateurs de sophrologie et de lâcher-prise.
On sait que Sufjan Stevens ne se laisse pas dicter ses choix par qui que ce soit, qu’il aime mêler formes classiques et contemporaines, religiosité, naturalisme et ésotérisme, intimité et universalité. Ce requiem en est encore une preuve éclatante et déstabilisante, comme l’ont été avant des expériences comme Enjoy Your Rabbit ou The BQE. Convocations n’est pas le plus accessible de ses projets, parce qu’il n’est pas de la matière pop et folk avec laquelle il sait nous bouleverser si facilement. On sait aussi que le compositeur vole depuis toujours bien au-dessus de cela. On peut malgré tout penser que cette fois, il est parti trop haut.
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