Steve Reid Ensemble – « Daxxar »

Steve Reid Ensemble – « Daxxar »

Daxxar[Album]
12/11/2007
(Domino/Pias)

Steve Reid est un des derniers géants de la scène free jazz américaine encore vivant. Il a bien sûr travaillé avec les plus grands de sa famille musicale (Miles Davis, Ornette Coleman, Sun Ra, Archie Shepp, Lester Bowie…) mais a aussi toujours fait preuve de curiosité en se confrontant à d’autres genres (cf. ses collaborations avec James Brown, Fela Kuti, Bo Diddley, T-Bone Walker, Fats Domino…)

C’est sans doute ce qui avait donné envie au label Soul Jazz de mettre dans un même studio le vieux batteur et le jeune prodige des musiques électroniques, Kieran Hebden a.k.a Four Tet. Cette première rencontre avait eu lieu pour l’enregistrement de « Street Walk », le retour aux affaires sérieuses de Steve Reid après des années de silence, sorti sur le label londonien en 2005. Puis ces deux-là se sont tellement bien entendus qu’ils ont enchaîné sur trois albums en commun (« The Exchange Session Vol. 1 & 2 » en 2006 et « Tongues » en 2007). L’histoire ne semble d’ailleurs pas près de s’arrêter puisque Four Tet est à nouveau au tracklisting de ce « Daxaar », sorti sur Domino et enregistré au studio Dogo dans la capitale sénégalaise

A la fin des 60’s, Reid avait voulu inverser symboliquement le cours de l’Histoire en remontant la route des esclaves à bord d’un cargo en partance pour l’Afrique. Il y restera finalement trois années, jouant avec de nombreux musiciens alors peu connus, dont un certain Fela. Pour ce grand retour sur le continent noir quelque quarante ans plus tard, le batteur n’a gardé de son Ensemble habituel que son jeune clavier Boris Netsvetaev. Le reste du line-up est ici composé de plusieurs pointures locales, dont le guitariste Jimi Mbaye, collaborateur de Youssou N’Dour

Le disque démarre sur « Welcome », un titre traditionnel de Isa Kouyate, venu pour l’occasion accompagner le groupe au chant et à la kora. Les amateurs des maliens Toumani Diabate ou Salif Keita ne seront pas perdus, mais risquent d’être déçus s’ils s’attendaient à un album entier sur ce créneau

Cette formalité de bienvenue remplie, « Daxaar » entre en effet dans le vif du sujet avec le morceau-titre, sommet de jazz funk hypnotique. La trompette de Roger Ongolo vient s’immiscer dans les motifs d’orgue vintage de Netsvetaev tandis que la batterie et les percussions mènent la danse. On ne sait plus trop si c’est du jazz, du funk ou de l’afro beat, mais on sait que c’est bon. Contrairement à son maître, l’immense Art Blakey (qu’on vous encourage aussi à écouter si vous aimez le jazz qui pulse), Steve Reid n’excelle pas dans la démonstration technique. Il préfère souvent rester un peu en retrait, assurant un groove minimal mais imperturbable, laissant ainsi le champ libre à ses compagnons. Ecoutez par exemple « Jiggy Jiggy » dans lequel Four Tet s’amuse avec ses machines comme un Kid Koala avec ses platines, par petites touches élégantes et funky. C’est le genre de morceau qui donne des fourmis dans les jambes pendant que vous attendez votre tour près du saladier de punch. Le genre de morceau qui vous promet que le reste de la nuit va être chaud chaud chaud. Soyons nets, ces deux titres légitiment à eux seuls l’achat de ce disque

« Dabronxxar » vous embarque ensuite dans une ambiance un peu plus jazz psyché, truffé d’effets presque dub, comme le Miles Davis du début des 70’s les aurait appréciés. « Big G’s Family » retraverse l’océan en prenant des airs latino-rock dans la première partie du morceau, sous l’impulsion de la guitare très santanesque de M’Baye (peut-être pas la meilleure idée de l’album néanmoins), pour finir plus heureusement dans les méandres vaudous de l’orgue de Netsvetaev. Pour achever le voyage, « Don’t Look Back » propose une descente en douceur en équilibre sur des strates de percussions à fleur de peau(x)

« Daxaar » est sans doute la plus accessible des collaborations entre Steve Reid et Four Tet. Elle devrait autant combler les amateurs de grooves expérimentaux que les adeptes frénétiques des pistes de danse. Steve Reid prouve en tout cas en six titres que l’Afrique est musicalement bien plus contrastée que nos clichés occidentaux aiment à le laisser entendre. A découvrir de toute urgence

Une vidéo de l’enregistrement du disque est visible ici

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