Stephen Malkmus – ‘Traditional Techniques’

Stephen Malkmus – ‘Traditional Techniques’

Album / Domino / 06.03.2020
Folk psyché

Après près d’une double décennie de carrière solo, Stephen Malkmus prend ses auditeurs à contre-pied en sortant son quatrième solo, le deuxième en deux ans. Si Groove Denied obligeait l’an passé ses fans à boire une dose âpre de fantaisies électroniques DIY, il propose cette année un nouveau type de détournement, beaucoup plus facile à avaler. C’est en tombant sur un cache rempli d’instruments acoustiques afghans lors d’un enregistrement avec The Jicks que les genoux de Malkmus ont fléchi devant l’étendue des possibilités s’offrant d’un coup à son imagination bouillante. Traditional Techniques marque ainsi un autre départ stylistique, hommage à la scène psycho-folk du début des années 70. Une affaire douce et décousue qui plane tel un grain de pollen fondu dans un rayon de soleil, et maintenu en altitude par un groupe de supporters composé du maître multi-instrumentiste de The Decemberists Chris Funk, du guitariste Matt Sweeney, de Brad Truax à la basse, Jake Morris aux percussions et parfois Qais Essar (Rabab) et Eric Zang (Kaval, Udu, Daf). Preuve que le leader de Pavement a atteint un niveau de renommée tel qu’il peut désormais se permettre d’être suivi dans n’importe lequel de ses caprices musicaux.

Mais peu importe qui le soutient car, même si son image – de roi slacker ironiquement impassible ou même du chef calme avec The Jicks – contraste avec le curieux expérimentateur de ces derniers temps, Malkmus restera toujours Malkmus ! Il remplit chacune de ses chansons de tours vocaux obliques et de paroles étouffées dont lui seul a le secret, et qui se lisent telle une poésie Beatnik. Puis, lorsqu’on filtre à travers sa rythmique décontractée, lui et la chanteuse Joy Pearson chantent au dessus de flûtes flottantes et de drones teintés du Moyen-Orient (Acc Kirtan). Le ton de l’ensemble du disque est donné : bucolique, chaleureux, minimal, agréablement lapidé, faisant écho avec goût aux paysages sonores abstraits de Signal Western et Amberjack. Ces chants lugubres, étranges mais indéniablement beaux, ont une résonance scintillante qui évoque nettement Bill Callahan et son pastoralisme luxuriant. Accompagné d’une guitare à six cordes, il s’inspire plus que jamais de cet héritage folk-rock et y incorpore une large gamme de sons grâce à une excellente maîtrise technique des instruments traditionnels afghans. Le single principal Xian Man semble confirmer cette approche, et l’assaut de guitare parfois bruyant rappelle certains morceaux de Pavement, tout comme le solo de guitare électrique qui produit un son tendu et grésillant inspiré du funk africain.

Cela dit, malgré cette instrumentation rurale, les moments restent ici indéniablement ‘malkmusiens’, comme en témoignent les chansons plus directes (Shadowbanned, The Greatest Own In Legal History). On y reconnaît ses riffs noueux timides typiques que même le son de la guitare en acier et de la vielle à roue ne peuvent voiler. Après écoute de l’ensemble, il y a tout de même ce sentiment que Traditional Techniques arrive au moment opportun, l’année où lui et ses vieux copains ressuscitent Pavement. Cet album se présente tel un ensemble de chansons délirantes avec des paroles discursives, saines, sereines, (surtout) sincères, chantées sur un ton adéquat qui lui donne la permission de ne pas garantir son passé sans excuses ni embarras à l’aube du trépidant jamboree rétro estival annoncé au Primavera Sound.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Xian Man, The Greatest Own In Legal History, Shadowbanned, Brainwashed, Juliefuckingette


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