
09 Juin 23 Squid – ‘O Monolith’
Album / Warp / 09.06.2023
Rock progressif 2.0
Derrière ses têtes de gondole toujours plus nombreuses, le post-punk britannique n’en finit plus de voir émerger de jeunes pousses excitantes. En 2021, son heure venue, Squid était ainsi parvenu – probablement sans vraiment le vouloir – à placer la barre très haut dès son premier album, Bright Green Field, dont l’hybridation expérimentale mêlant jazz, punk, funk, soul et prog avait immédiatement fait mouche auprès d’une pléthore d’amateurs post-punk en quête de renouveau. Deux ans plus tard, après qu’on ait enfin pu découvrir la formation sur scène, là où elle se laisse aller généreusement à l’improvisation tout en se montrant redoutablement efficace, l’attente de son nouveau fait d’armes, O Monolith, était particulièrement grande. Mais alors qu’une insidieuse forme de pression aurait pu venir peser sur les épaules de ces jeunes Anglais, aucun ne semble avoir été perturbé un seul instant. L’heureuse conséquence d’un mode de collaboration totalement démocratique qui aurait aidé les cinq musiciens à composer la tête légère et les mains libres ?
En effet, au sein de Squid, chacun amène ses propres idées au pot commun, qu’il s’agisse de simples sonorités, de lignes de basse, de riffs de guitare, de nappes de cuivres ou de rythmiques. En résultent cette fois huit nouveaux titres tendant plus volontiers vers des structures typées rock progressif que vers des ambiances post-punk, sur lesquelles le combo vient déballer sa large palette d’influences. Mélodies jazzy voire krautrock (If You Had Seen), sons de synthés vintage façon prog rock 70s (Devil’s Den, After The Flash), élans math rock (The Blades) ou explosions punk (Undergrowth) viennent ainsi flirter avec les marques post-punk originelles du groupe qui ressurgissent encore ça et là (Green Light). Parmi les autres nouveautés affichées par O Monolith, des éléments électroniques s’invitent régulièrement au sein des compositions, notamment sur l’excellente mise en jambe Swing (In a Dream), tandis que la voix du batteur – Ollie Judge – prend ici des directions bien plus variées que sur Bright Green Field où ses ‘aboiements’ pouvaient parfois en irriter certains. Souvent comparé jusque-là à celui de David Byrne (Talking Heads), son timbre se montre plus fragile (The Blades), jusqu’à se rapprocher par moments des phrasés nonchalants de Thom Yorke (Devil’s Den).
Avec ses morceaux très arrangés voire orchestrés, O Monolith renforce donc l’identité de Squid et le porte à son tour à l’étage supérieur. En atteste Siphon Song, titre à la structure à la fois osée et imparable, combinant batterie jazzy, vocoder, mélodie post-rock, chœurs envoûtants, montées fuzzy et psychédéliques, drone et final bruitiste. Enregistré dans les studios Real World de Peter Gabriel, produit lui aussi par Dan Carey (Foals, Fontaines D.C.) et mixé par John McEntire (batteur de Tortoise), ce deuxième album – étape pourtant des plus difficiles à passer – coche décidément toutes les cases pour être considéré comme une marche indispensable dans l’ascension d’un groupe définitivement pas comme les autres.
A ECOUTER EN PRIORITE
Swing (In a Dream), Siphon Song, The Blades, If You Had Seen
No Comments