Sparklehorse – ‘Bird Machine’

Sparklehorse – ‘Bird Machine’

Album / Anti / 08.09.2023
Indie

Quand Mark Linkous met fin à ses jours en 2010, il laisse de lui le souvenir d’un songwriter hors-pair, de ceux qui marquent les esprits des gens de leur âge, dont le talent se diffuse bien au delà de leur génération, et qui parviennent jusqu’à compter parmi leurs admirateurs revendiqués certains ainés les ayant inspirés. Une figure, en somme, des quinze années où la vivacité des musiciens à guitare était telle que les meilleurs se sont naturellement élevés au rang de génies, et qui ont vu le natif de Virginie devenir l’un d’eux tout en luttant contre une longue dépression. Mais en bout de course, après avoir sorti quatre albums majoritairement acclamés par la critique, et alors qu’il travaillait sur le cinquième à Chicago en compagnie de Steve Albini, Linkous a décidé de ne jamais le terminer. Il retourne une arme contre lui et tire. Le poids de la vie aura finalement eu sa mort. Et celle de Sparklehorse.

Tout le travail effectué jusque-là est alors archivé sans que la famille ait la force de se plonger dans les cartons. Même son frère Matt, lui-même musicien et à qui il confiait régulièrement ses souhaits comme ses progressions, ignorait des années plus tard les réelles avancées de ce Bird Machine que Mark avait même eu le temps de baptiser. Dénichées alors que ses proches souhaitaient simplement répertorier et préserver son oeuvre, ces quelques compositions étaient finalement si abouties qu’elles auraient pu voir le jour dans leur forme la plus brute : une possibilité sur laquelle Matt s’est longuement interrogé. Cet album posthume devait-il sortir en l’état, ou accueillir d’autres musiciens pour être enfin terminé ? ‘C’est la décision la plus difficile que j’aie jamais prise‘ a t-il confié. Certains morceaux étant quasi achevés, d’autres nécessitant seulement un subtil travail d’arrangement, il s’est donc entouré de vieilles connaissances de son frère – Alan Weatherhead pour la production, Joel Hamilton pour le mixage et Greg Calbi pour le mastering – afin de lui rendre le plus bel hommage. Et y parvenir tant, partagé lui aussi entre tendres ballades et hymnes rock, ce Bird Machine peut sans exagération être considéré comme un des albums les plus réussis de l’oeuvre Sparklehorse.

Sans complexe vis à vis de Vivadixiesubmarinetransmissionplot, Good Morning Spider ou It’s a Wonderful Life malgré une production volontairement plus simple afin de ne pas gâcher la pureté des enregistrements dépoussiérés, ce dernier témoignage offre comme une vision panoramique de l’inspiration de Mark Linkous. Ainsi, dans ses moments les plus électriques (l’entame It Will Never Stop, I Fucked It Up), au fil de chansons aussi belles que mélancoliques (Kind Ghosts, Daddy’s Gone, Chaos of the Universe, Evening Star Supercharger sur lequel vient chanter son neveu Spencer, le même que l’on entend alors âgé de cinq ans sur O Child), et au creux de comptines d’une tristesse infinie (Falling Down, Stay, ou The Scull of Lucia accueillant Jason Lytle), le songwriter relie les points qui ont mené Sparklehorse du projet entamé dans une chambre, sur un huit-pistes, au mythe indie qu’il est devenu sans véritablement le vouloir, plus encore à titre posthume.

Parce que c’est toute l’injustice en musique et dans l’art en général : il faut que les artistes disparaissent pour qu’on daigne peser véritablement leur oeuvre. Matt Linkous, lui, n’avait aucun doute sur l’importance de l’héritage laissé par Mark. Et alors qu’il aurait pu refermer la parenthèse maladroitement, salir le souvenir de son frère après que celui-ci ait entamé ce dernier chapitre 14 ans plus tôt, Bird Machine – souvent porté sur le sujet de l’éloignement de l’être cher, comme par hasard… – vient mettre plus de poids encore dans la balance d’un talent dont l’âme, lestée d’émotions, n’est pas prête de se volatiliser. 

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
It Will Never Stop, Kind Ghosts, Evening Star Supercharger, Daddy’s Gone, Chaos of the Universe, The Scull of Lucia


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