SOvOX – ‘Matter of Time’

Ep / Lollipop / 24.05.2024
Garage punk

SOvOX ou la persévérance. Depuis 2017, il incarne à Marseille et au-delà une certaine idée du rock et, surtout, de la foi en celui-ci, seule à même de garantir la victoire dans le combat contre tout ce qui peut freiner ou menacer l’existence d’un groupe, que ce soit une pandémie, la difficulté de tourner et de vivre de sa musique, ou les divergences internes. C’était, à l’origine, un duo composé de Vicenzo Miceli (chant/batterie), que l’on retrouve également dans Venus As A Boy, et de Charles Priem (guitare, chant). Après la sortie d’un premier EP, Ferocity, en 2022, Charles part vers d’autres aventures (il est actuellement guitariste/chanteur de Technopolice, batteur de La Flemme, et bassiste d’Avenoir), ce qui conduit Vicenzo à faire muter SOvOX en trio, avec l’arrivée de Nassim Chelihi à la basse, jusqu’alors membre d’un groupe de reprises, et de Nathan Hégo à la guitare, anciennement chez La Flemme. Ensemble, ils prolongent cette tradition du trio pratiquant la politique de la terre brûlée, délivrant sans états d’âme d’implacables uppercuts rythmiques sur fond de coulées bouillonnantes de fuzz. L’intensité physique de l’affaire, ils la découvrent dès les premières répétitions, Vicenzo finissant les mains pleines d’ampoules à vouloir suivre la vitesse d’exécution de ses deux acolytes.

Sur la pochette du second EP, Matter Of Time, le trio pose sur des rochers, au bord d’une Méditerranée quelque peu menaçante, bien décidé à se confronter aux éléments à partir d’une assise chèrement acquise. Ici, on ne fuit pas devant l’adversité, on s’y mesure pour tirer de soi les forces destinées à porter la musique au-delà de ses formules prévisibles pour en faire une expression viscérale, urgente. Nous avons déjà entendu, bien sûr, ce garage punk d’obédience Osees/Ty Segall, mais lorsqu’il est joué avec une absolue sincérité, comme c’est le cas chez SOvOX, il a toujours l’éclat de la nouveauté, le rendant essentiel parce que fouillant sans ménagement dans les tripes ou grattant impitoyablement l’os pour y trouver sa matière. Le son, depuis Ferocity, est devenu plus lourd sans avoir le moindre gras, et révèle ce faisant une forme de puissance qui, à la différence du simple pouvoir et de son désir de reconnaissance narcissique, est révélatrice d’une volonté commune de construire quelque chose à plusieurs.

Il s’agit d’abord de sécher ses larmes avec l’imparable Tears Will Dry, aidé en cela par des riffs à l’épaisseur métallique et une mélodie remuante à la Bodega. Toy Boy envoie valdinguer la toxicité d’une relation à grandes rasades de guitares saturées, dans une ambiance qui n’aurait pas dépareillée chez Osees. La construction plus complexe de Drifted Mind, ainsi que l’alternance très réussie des voix de Nathan et de Vicenzo que ce titre propose, montre la volonté de SOvOX de ne pas se contenter de compositions directes, arrachant la conviction de l’auditeur à grands coups de déflagrations sonores, pour explorer avec plus de subtilité de nouveaux territoires. Cela commence par une ballade pour ensuite basculer dans une accélération agrégeant mélancolie et élan combatif, lorgnant du côté des Pixies période Trompe le Monde. Perpetrador change de ton en imposant son refrain dominateur, à la méchante arrogance, avant que Worried et sa version psychotique du rock’n’roll et du garage originels – en ce sens pas si éloigné du traitement que leur faisait subir les Cramps – clôture l’EP comme il se doit, c’est-à-dire en faisant regretter que ce soit déjà la fin.

SOvOX est déjà actif depuis sept ans, mais avec Matter Of Time, il décide de naître une seconde fois afin d’acquérir une forme suffisamment robuste et expressive pour pouvoir rayonner en dehors du giron phocéen. Les mélodies impeccables des cinq morceaux présentés ici devraient lui permettre d’acquérir cette plus large audience, d’autant plus que de nouveaux singles sont attendus pour l’été, et qu’un album est en préparation. Mais le trio marseillais est bien décidé à ne pas précipiter les choses : persister dans l’existence, savoir reconnaître et saisir les bonnes occasions lorsqu’elles se présentent, est une question de temps ce qui, dans un monde soumis à une accélération continue, n’est pas la moindre des qualités à posséder.