20 Mai 21 Sons Of Kemet – ‘Black to the Future’
Album / Impulse / 14.05.2021
Jazz
Des trois projets du vibrant londonien King Shabaka Hutchings, Sons of Kemet est le plus ancien, vraisemblablement le plus accessible et, par conséquent, le plus connu. Le précédent album du projet leur a d’ailleurs permis de récolter le très fameux Mercury Prize. Autant lever le suspense intenable : Black To The Future, quatrième opus du groupe, est absolument fidèle à ses prédécesseurs tout en étant encore plus accompli, plus dansant et plus nécessaire. À n’en point douter donc, leur pièce maitresse à ce jour qui donnera un coup de projecteur supplémentaire à la vibrante scène jazz londonienne.
Musicalement, les sons de clarinette et de sax déchaînés de Shabaka s’inscrivent dans une continuité, faisant magnifiquement écho au décor planté par le pesant trombone de Theon Cross et les percussions énervées d’Edward Wakili-Huck et Tom Skinner. Le groupe parvient encore une fois à instiller une ambiance pesante au groove délectable. Quand le primal Hustle semble nous convier à une danse macabre avec Satan nous emmenant irrémédiablement vers un gouffre béant, Envision Yourself Levitating nous emporte dans un tourbillon rythmé par les coups de trombone et envolées lyriques du King. Plus que tout autre projet de Shabaka, les propos sont soutenus par des rythmes faisant office de fil conducteur et de liant. Si l’association trombone et double batterie n’y est pas étrangère, l’album évite magistralement l’écueil de la lassitude. Après un démarrage en trombe (Pick Up Your Burning Cross), Think Home apparait tel un îlot afro-caribéen cerné par un déluge revendicateur.
Au-delà de sa musique, Shabaka a pour habitude de livrer ses réflexions sans ambages. Suite aux protestations violentes dans le cadre du mouvement Black Lives Matters, on pouvait donc s’attendre à un album imprégné par une actualité délétère. Aucune surprise de ce côté, Black To The Future délivre un discours frontal sur fond de problèmes identitaires et raciaux (‘I’m a field negro now‘ pour débuter, un ‘You already have the world / Just leave Black be / Leave us alone‘ rugit en conclusion). Viscéralement ancré dans l’actualité, Sons of Kemet et ses invités prônent une société plus égalitaire et concernée. D’Angel Bat Dawis, qu’on ne présente plus, à la chanteuse Lianne La Havas, tous semblent rassemblés pour défendre leurs droits et délivrer leurs messages rageurs.
Après une période continue de privations, les artistes ré-apparaissent progressivement. D’une beauté sauvage où agressivité et douceur s’entrechoquent constamment, Black To The Future est une oeuvre marquante. Le morceau Black clôture l’album sur déchaînement libérateur, les mots du poète Joshua Idehen encerclant ce disque d’un message absolument nécessaire, comme chaque souffle de Shabaka. Difficile de ne pas succomber à cette musique cathartique…
A ECOUTER EN PRIORITE
Think Of Home, Hustle, Black, Field Negus
Jm
Posted at 12:04h, 21 mai(c’est du tuba dont joue Theon Cross)