Son Lux – ‘Tomorrows I’

Son Lux – ‘Tomorrows I’

Album / City Slang / 14.08.2020
Post pop exploratoire

Tomorrows I est le nouveau projet ambitieux du trio Son Lux. Première partie d’une trilogie, l’essence de cette nouvelle production est composée de fragments… et d’un discours amoureux. Enigmatique, frustrant, elliptique, l’album est autant une promesse qu’un espoir. Explications.

Depuis 2015, Son Lux n’a pas ménagé sa peine. Techniciens hors-pairs, explorateurs inlassables et inspirés, les trois collègues n’ont plus rien à prouver de leur créativité, ni de leur sensibilité mélodique. Ryan Lott, Rafiq Batia et Ian Chang sont insatiables et ont multiplié ces dernières années les reprises de leurs précédents albums, comme les projets solos, que ce soit en musique expérimentale, musique de ballet ou B.O. de séries télé. Cette crédibilité leur avait même permis de vaincre leur discrétion naturelle en manifestant leur crainte suite à l’élection de Trump, notamment dans les chorus de Remedy scandés par des centaines de voix anonymes. Cette peur viscérale se traduit encore aujourd’hui au sein de Tomorrows I : quand Remedy dénonçait la montée des individualismes et le mépris des autres, les ‘lendemains’ auxquels Son Lux – groupe-monde aux valeurs ultimes (utopiques ?) –  fait référence ici doivent nous permettre de nous regarder en face, les uns les autres, et surtout, les uns avec les autres.

Album peu bavard, Tomorrows I ne compte que cinq titres chantés sur les dix pistes qui le composent, chacun parlant exclusivement d’amour avec tristesse et empathie. Au risque d’agacer certains avec sa voix pleureuse qu’il n’a pas hésité à exploiter, voire étirer à l’infini sur Only, Last Light ou Undertow, Ryan Lott y interroge, avec toutes les modulations de la plainte, ce que nous avons de plus cher en nous : l’Autre. Bien au-delà de la bluette personnelle, sa blessure, son épuisement, son espoir sont ceux de l’homme qui veut croire encore et malgré tout en le monde dans lequel il vit.

Résolument moins pop que Brighter Wounds, l’album entretient les fondamentaux du trio : ruptures, silences, détours… Il accueille quand-même de nombreux guests pour s’enrichir d’une nuée de percussions et de cordes envoûtantes ou inquiétantes. C’est dans les instrumentaux transitionnels qu’ils s’expriment avec la plus grande  finesse et donnent sa réelle coloration à l’ensemble : Bending Shadows introduit le thème de Only par un violon au son d’erhu chinois, Into Wind évoque l’harmonica de cristal du Carnaval des Animaux. Les références classiques sont toujours évidentes : on pense à Steve Reich sur Involution qui clôt l’album et s’inspire du travail mené par Lott pour le ballet Pentaptych.

Pour le reste, Son lux garde le même niveau d’exigence dans la recherche sonore et la construction de ses thèmes. Ryan Lott semble explorer les entrailles de son piano sur Only, Ian Chang régale Undertow de ses percussions roulantes et lascives et Rafiq Batia excelle à imposer à sa guitare un ronflement blues et un jeu délié sur Days Past et Honesty. Tout comme Plans We Made, ce dernier titre fait d’ailleurs probablement partie des plus beaux jamais écrits par le trio. On y entend successivement les membres du groupe prendre la main sur ce qui ressemble à un lent chaloupé caribéen qu’ils désintègrent avec minutie.

Mais c’est justement  au coeur de cette extase que nait notre appréhension : que chacun des trois ne soit plus tenté, à moyen terme, par une communion créative telle qu’elle nous enchante depuis quelques années, mais par une juxtaposition de savoir-faire… Le risque de la fragmentation.

TEASER
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Plans We Made, Honesty, Into Wind, Undertow


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