Snail Mail – ‘Valentine’

Snail Mail – ‘Valentine’

Album / Matador / 05.11.2021
Pop

L’adage nous déconseille de préjuger de la qualité d’un livre ou d’un disque en regardant sa couverture. Les artworks servent néanmoins d’indicateur d’atmosphère. Sous cet angle, les photographies des deux premiers albums de Snail Mail laissent présager quelques changements. Le premier LP de Lindsay Jordan nous la montrait le visage rouge, sur un fond bleu très contrasté, arborant des traits blasés, comme dépassée par les évènements, à la marge. Valentine, le nouveau venu, la figure en fashion victim, dans des teintes rosées, vintage et glam. La typo handmade laisse la place à des caractères plus chics et précieux.

Cette mutation en icône pop d’une adolescente désinvolte à l’attitude de slacker, âgée de 19 ans lors de la sortie de Lush, a de quoi inquiéter au premier abord. La retenue, toujours appelée à imploser dans ses titres, était une des caractéristiques de Snail Mail, et en faisait sa singularité. On peut craindre que cette transfiguration en pop star, même au second degré, vienne calibrer une musique aussi touchante que personnelle.

La transformation annoncée visuellement est palpable dès l’ouverture de Valentine. La voix de la chanteuse de Baltimore est appuyée par une production propre, et la musique de lindie girl semble avoir été produite pour envahir les ondes. Les enchainements couplet-refrain-couplet inspirés du grunge 90’s ont – par leur production – ce côté FM qui nous éloigne de la tension et de la sincérité du précédent opus. Ben Franklin, second single dévoilé en amont, est probablement le plus pop de l’album. Il n’y a rien à redire : les compositions sont entêtantes, la production léchée, et on s’imagine facilement écouter ce titre en conduisant sur de grands espaces. Mais c’est justement parce qu’il n’y a rien à redire, qu’on a aussi le sentiment qu’il y a bien moins à dire que sur son prédécesseur.

La production est signée Brad Cook, que l’on a déjà entendu travailler avec Bon Iver ou Waxahatchee. Katie Crutchfield est d’ailleurs créditée en choriste sur l’album, sans que sa voix soit réellement identifiable. Là ou le producteur excelle dans un registre americana, le calibrage pop semble moins lui convenir. Valentine est loin d’être un mauvais album, mais de Light Blue à Madonna, de Forever (Sailing) à Automate, on attend – souvent en vain – d’être attrapé aux tripes par la musique de Snail Mail. On reste sur un sentiment d’écoute agréable, là ou son ainé parvenait à nous atteindre plus en profondeur.

Les fulgurances de Lush, sur des titres comme Pristine ou Stick, avaient placé la barre très haut, et peut être les attentes étaient-elles trop grandes pour ce nouveau disque. Mais l’écoute de Valentine nous donne trop souvent envie de replonger dans son prédécesseur, pour y écouter une musique délestée des gloss et vernis qui la desservent plus qu’autre chose.   

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Valentine, Headlock

À LIRE AUSSI

Pas de commentaire

Poster un commentaire