Slowdive – ‘Everything Is Alive’

Slowdive – ‘Everything Is Alive’

Album / Dead Oceans / 01.09.2023
Shoegaze – Dream pop

Il y a bientôt dix ans, nous assistions à la résurrection de Slowdive. À l’occasion d’une série de concerts remarqués, le groupe mettait alors un terme à un hiatus de près de vingt ans, plus ou moins forcé, après seulement six années d’existence, trois albums et une poignée d’EP. Six années, c’est le temps qu’il aura fallu cette fois-ci à la formation pour livrer son nouvel opus, qui fait suite à son fantasmagorique album-retour. De sa trajectoire brisée, Slowdive en conserve toujours le goût du spleen, de la contemplation et d’un certain élan adolescent. Tout ce qui s’incarne aujourd’hui dans Everything Is Alive, supervisé par le chanteur et guitariste du groupe Neil Halstead, hélas avec moins d’emphase, d’inspiration et de pertinence qu’autrefois.

Sur la pochette, à la colorimétrie changeante selon les versions, une étrange silhouette se tient au centre d’un labyrinthe ne contenant qu’une seule issue. Une illustration qui nous rappelle à quel point, pour Slowdive, tout est une histoire de cartographie, d’espace et de territoires. Un jeu de piste qui a permis, après le split du groupe au milieu des années 90, à toute une nouvelle génération de les découvrir et d’en savourer les moindres réminiscences, héritées ou directement affiliées (Mojave 3, Minor Victories, The Soft Cavalry). Subissant les conséquences d’une labyrinthite aiguë survenue dans les années 2000, mère d’un enfant sourd, Rachel Goswell incarne a elle seule la force, la résilience et la détermination qu’il a fallu au groupe pour retrouver le fil d’Ariane de ses rêves adolescents. La perte du sens, des sens, puis les doutes, les détours, les chemins semés d’embûches face aux tourments de l’existence ; difficile alors de ne pas penser à la symbolique du labyrinthe comme un reflet du parcours et de l’ADN même de Slowdive.

Les beaux arpèges synthétiques qui ouvrent Shanty, avec ses guitares tout en tremolos, disséminent un brouillard qui nous replonge immédiatement dans les sonorités oniriques et spatiales qui ont fait la marque de fabrique de la formation. Le travail des textures, les voix lancinantes, la limpidité des harmonies, la simplicité des lignes mélodiques se mêlent à merveille aux nouvelles couleurs plus pointillistes offertes par une production soignée. Le spleen plus monotone qui plane sur la complainte instrumentale Prayer Remembered évoque les belles heures des Cure et de Sigur Rós, tandis qu’Alife peine à trouver véritablement son envol, malgré ce fameux delay sur les guitares et quelques gimmicks obsédants. Andalucia Plays opère, elle, une belle transition entre univers électronique et acoustique, révélant de subtiles nuances dans son atmosphère d’une certaine nitescence. Single et mini-tube de l’album, Kisses épouse la dimension plus solaire du groupe : avec son clip et ses paroles chargées d’amour, il incarne une fusion bienvenue entre esthétique nineties et production moderne. Porté par des percussions massives et sa dimension granulaire, Skin In The Game constitue peut-être elle la plus belle surprise du disque. Tout d’abord parce qu’elle évolue dans une ambiance unique, à la fois crépusculaire et organique, ensuite parce qu’elle propose une véritable idée au niveau vocal, entre mélodies croisées et traitement aventureux. Si la voix demeure sur le disque un des éléments les plus sous-exploités, elle est ici au centre de la scène et brille par ses volutes chimériques. Malgré ses textures plus acides, Chained To A Cloud ne parvient pas à convaincre avec son orientation plus pop et ses arpèges naïfs, tout comme The Slab constitue, en dépit de son fourmillement d’idées et ses cellules répétitives, un morceau peu concluant et conclusif. Les fade-out, frustrants depuis toujours chez Slowdive, sont ici d’autant plus regrettables que le groupe a depuis maintes fois démontré, en concert, comme ces hors-champs étaient salvateurs et générateurs de dimensions supplémentaires à son univers.

Nous étions donc en droit d’attendre un peu plus que ces huit morceaux mi-figue mi-raisin qui peinent à sortir de leur côté pilotage automatique, souffrant d’un équilibre peu convaincant entre dynamique post-punk et spleen onirique. Si l’on ressent la quête d’un ailleurs et une réelle envie de repousser les murs de ses ambitions, le voyage est bien trop confortable et gentiment introspectif pour réellement emporter l’adhésion. Ses rares embruns et son manque de prise de risque, jusque dans son absence apparente de narration globale, finissent par lasser et nous faire définitivement regretter les chemins empruntés autrefois avec les chefs d’œuvres immersifs et sensitifs que constituaient Souvlaki et Pygmalion. Ainsi, en perdant de son psychédélisme et de sa volonté d’explorer de (véritables) territoires inconnus, c’est beaucoup de sa force émotionnelle que le groupe laisse également en chemin, et ce malgré une authenticité toujours présente. Perdu entre attachement et égarement vis-à-vis des labyrinthes du passé, il n’est pas certain que l’issue de celui-ci nous conduise vers le futur. Tout est bien vivant, certes, mais pour la première fois le conventionnel l’emporte malheureusement sur l’irréel.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Shanty, Kisses, Skin In The Game


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