24 Mai 12 Sleeppers – « Keep Focus »
Album
(At(h)ome)
29/05/2012
Rock noise
Les premiers accords de guitare des Sleeppers remontent à 1989… Une éternité qui laisserait presque penser que c’est le combo bordelais qui, à coups de boutoirs successifs et rageurs, a creusé l’estuaire de la Gironde pour l’emmener jusqu’à la frontière de sa ville. Vingt trois ans plus tard, les bougres sont toujours à l’oeuvre et signent avec « Keep Focus » un septième album qui, à en croire ses compositions plus directes, semble vouloir mettre les bouchées doubles. Au delà d’une production irréprochable signée par Fred Norguet, fidèle parmi les fidèles, c’est bien toute la particularité de cette nouvelle salve qui enchantera un public ayant toujours regretté l’aspect parfois calculé des Sleeppers, mais qui pourrait aussi refroidir les fans de toujours, accrocs à leurs dissonances et à ce brin de complexité qui a toujours sauvé le combo du gouffre rock-métal français.
Bien qu’il en ait pris le risque en allant jusqu’à y pencher la tête (« Keep Focus ») et regarder les Lofofora & co de son perchoir, le quatuor n’en est heureusement pas arrivé à faire le grand saut, et propose à plusieurs reprises ici de quoi ne pas chavirer trop tôt. C’est le cas quand il chante et arrose de mélodies ses démonstrations de force (« Now You Are », « Anchored »), qu’il use généreusement du contraste entre couplets parlés et refrains hurlés (« Blackout », « The Box »), ou qu’il revient naturellement à cette recette qu’il maitrise sur le bout des doigts, les yeux fermés (« 23 Enigma »).
Puis il y a dans ce « Keep Focus » quelques exceptions capables de rabibocher les deux camps. « Skin » d’abord, soutenu par la voix d’un Dre Gipson (Fishbone) présent sur des couplets aux ambiances bizarrement Red Hot Chili Peppers, tranchant avec des refrains plus volontiers stoner. « Divide » ensuite, auquel Ez3kiel, burné depuis toujours et chauffé à blanc par son expérience commune avec Hint, vient brillamment se mêler avec force et délicatesse à la fois pour accoucher d’une perle de huit minutes qui pourraient bien faire des petits. « Post Traumatic » enfin, magnifiquement illuminé par la voix d’un Rafa qui semble retrouver ses vieux réflexes de la période Tomy, sa précédente formation.
Avec la volonté honorable de ne pas se répéter, les Sleeppers laissent couler la musique qu’ils ont dans le sang depuis toujours, se laissant juste influencer le plus involontairement du monde par leurs expériences et le monde qui les entoure. Sans pression, avec plus rien à prouver, les bordelais signent ainsi un « Keep Focus » qui, s’il n’en restera pas le meilleur, a toute sa place dans leur discographie. Allez, encore un album ou deux et Bordeaux aura sa plage en centre ville…
En écoute intégrale
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