Siskiyou – ‘Not Somewhere’

Siskiyou – ‘Not Somewhere’

Album / Constellation / 17.05.2019
Freak folk existentiel

Dès le premier titre de son nouvel album Not Somewhere, on pourrait croire que Siskiyou s’est apaisé. Sonorités folk assez classiques, doux accord guitare-voix porté par une rythmique discrète, cette entame est presque intrigante quand on connaît l’âpreté de ses précédents efforts. Mais l’étonnement ne dure que les 3’30 de Stop Trying dont la singularité vient de son origine : une commande pour un artiste canadien, Stefan Sagmeister. Dès le morceau suivant, la voix de Colin Huebert se relâche et retrouve ses étranglements aigus et apeurés si caractéristiques. Comme à chacune des ses productions, certains auront du mal à franchir l’obstacle, d’autres y trouveront une marque de fabrique singulièrement attractive.

Beaucoup moins arrangé et rock que l’album précédent, Not Somewhere semble aussi fabriqué à la va-vite, et peine à livrer sa cohérence. Tout l’album est marqué par la dualité et l’indécision, depuis les titres bicéphales (The end II /// Song Of Joy, Dying Dying Dying///Wake Wake Wake, Unreal Erections /// Severed Heads, ou encore la reprise de Stop Trying en fin d’album) jusqu’au goût du double sens, notamment autour de la notion d’érection. Crise du milieu de vie ? Colin Huebert s’interroge autour de l’élévation, quelle qu’elle soit, et de sa finalité. Et quand ces interrogations-là se révèlent, patiemment au gré des écoutes, Not Somewhere prend alors une dimension quasiment métaphysique.

Il faudra faire preuve de patience et lutter contre soi pour trouver la révélation. Les premiers titres sont souvent brefs, dépouillés, les arrangements paraissent ajoutés au dernier moment, leur succession jamais évidente. A What Ifs, chargé d’écho et de saturation sur une rythmique lourde et une guitare déglinguée, succède Temporary Weakness, bluette d’été finissant, s’étirant dans un bruit de foule. The End II /// Song Of Joy ou Dying Dying Dying///Wake Wake Wake et leur très (trop) brefs développements mélodiques meurent avant de s’être développés…

Mais, de fragments en fragments, on sent que s’installe le propos, et à l’entame de Unreal Erections /// Severed Heads, l’angoisse et l’instabilité s’effacent au profit d’une plus grande assurance. Le titre est souligné d’une magnifique bordée de cuivres qui montent sereinement, imposant enfin la voix du chanteur, et Silhouette est une jolie comptine sur deux accords qui introduit parfaitement la jubilatoire explosion psychédélique de Her Aim is Tall.

Enfin revenu de ses atermoiements, Siskiyou assume pleinement son esthétique, son écho, ses superpositions de voix, son grain et ses trouvailles sonores (manche à air, saxophone déstructuré, orgue) dans les reprises finales de Stop Trying et Unreal Erections///Severed Heads.

ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Stop Trying, What Ifs, Unreal Erections///Severed Heads, Her Aim Is Tall


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