
20 Fév 25 Sharon Van Etten – ‘Sharon Van Etten & The Attachment Theory’
Album / Jagjaguwar / 07.02.2025
Pop
Sharon Van Etten n’a jamais été aussi inspirée et lumineuse. L’américaine a un secret et le révèle à qui veut l’entendre : la confiance et le lâcher prise, qu’elle a trouvé auprès de The Attachment Theory. Le résultat ? Probablement le meilleur album d’une discographie qui fait déjà référence.
L’autrice-compositrice ne tarit pas d’éloge sur le groupe qui l’a accompagné dans les studios londoniens où enregistra autrefois Eurythmics : la grande maîtrise des claviers de Teeny Lieberson qui lui permet des audaces et des impros toujours bluffantes, tout autant que sa capacité à prendre des initiatives dans l’accompagnement vocal (plutôt nouveau pour Van Etten), est une des évidentes réussites de l’album. Elle ne tarit pas d’éloge non plus sur Devra Hoff à la basse, très ‘entraînante et mélodique‘ dit-elle, ‘sensible à l’écriture des chansons‘. Il n’aura fallu pour la convaincre que la reprise d’Every Time The Sun Comes Up, au printemps dernier, avant que deux premiers titres ne voient le jour, I Can’t Imagine et Southern Life.
Débarrassée aux fils des ans de nombreux fantômes tragiques et toxiques, Sharon Van Etten continue sa mue, prend une hauteur métaphysique dans ses textes, laisse une liberté au groupe dans la dynamique des arrangements pour mieux se concentrer sur ses interprétations : sa voix y gagne en densité, en modulations, en lumière, le plaisir est réel et contagieux, même sur les titres les plus dark comme Live Forever, Southern Life ou Fading Beauty. En abandonnant son désir absolu de maîtrise, qui conférait par le passé à certains albums un maniérisme chaotique ou un sentiment de juxtaposition peu naturel, la musique de Van Etten gagne en liberté et en évidence.
On retrouve ainsi dans des titres comme Afterlife – plutôt classique dans son registre pop – ou I Can’t Imagine – disco rock joyeux utilisant pourtant tous les poncifs du genre – une énergie et une audace nouvelles émergeant de façon évidente de cette collaboration : basse déliée, claviers chavirant. Même des morceaux à priori plus sombres comme Something Ain’t Right deviennent contagieux et dansants, soutenus par le clavier de Teeny Lieberson. C’est l’évident plaisir qui traverse tout l’album qui lui confère sa subtile cohérence. Idiot Box pourrait être le résumé de cet état d’esprit : un titre power rock, grandiloquent mais assumé sans aucun remords. On en redemande.
D’autant plus que Sharon Van Etten continue d’aborder avec obsession les thèmes qui emplissent habituellement sa solitude de compositrice, et qu’il fallait beaucoup de lumière pour réussir à tenir à distance de tels fantômes. Entre mysticisme et métaphysique, interrogations sur la vie éternelle, l’après-mort, le sens de notre humanité, la disparition de ceux qu’on aime et la durabilité des sentiments, beaucoup se seraient complus dans un pavé sombre et indigeste. Mais l’américaine, qui n’a jamais été aussi jeune ni épanouie, a compris dorénavant qu’il y a ce qu’on dit et la façon de le dire. Elle en fait un style, qui va sans choquer d’une pop mainstream à une dark pop gothique ou des hymnes rock de stade. Cette étoile qui brille à son zénith n’a pas fini de faire référence.
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