Shannon Wright – ‘Reservoir of Love’

Shannon Wright – ‘Reservoir of Love’

Album / Vicious Circle / 07.02.2025
Indie rock

Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents, dans la mémoire des vivants‘. Cette phrase n’est pas de nous mais de Jean D’Ormesson. En termes de référence rock, nous aurions pu faire mieux. Cependant, ce sont les mots de l’académicien qui nous viennent à l’esprit à l’écoute du nouvel album de Shannon Wright. Depuis l’excellent piano-voix Providence, le temps s’est étiré et il aura fallu cinq longues années pour que l’américaine brise le silence. Des lustres pour les fans. Cependant, ces cinq années ont été quelque peu cabossées, âpres et troublées. La faucheuse est venue frapper plusieurs fois à la porte de notre grande prêtresse. En visiteuse courtoise, elle est même venue effleurer l’épaule de l’artiste, en lui indiquant qu’elle n’était pas loin. Les médecins lui découvrent in extremis une maladie auto-immune. A ce traumatisme s’ajoutent les disparitions cruelles de Steve Albini et de Philippe Couderc, patron de son label Vicious Circle, tous deux amis proches et piliers fondateurs de son oeuvre.

C’est donc entourée de fantômes, esseulée et en proie à certaines craintes existentielles, que Shannon Wright accouche dans la lumière de Reservoir of Love, son onzième album en 25 ans de carrière. Le morceau d’ouverture, éponyme, s’ouvre sur le son d’une boîte à musique, créant une atmosphère à la fois enfantine et inquiétante, rappelant certains films d’horreur. Puis la guitare est lourde, saturée, la voix est comme ankylosée, le rythme est lent. La mélancolie est omniprésente, comme tout au long du disque, échappatoire à la douleur. Plus loin, Weight Of The Sun est sombre et introspectif à la fois. Musicalement, nous retrouvons la lourdeur de la guitare, et  le morceau nous prend aux tripes. Le chant de l’américaine alterne entre murmures habités et explosions de rage. D’ailleurs, la colère et l’injustice transpirent ici de chaque sillon.

Sur Ballad Of A Heist, le ton est accusateur (‘All in time, You turn your fables into nothing, You re-invent all day, Try to sell ‘em to me‘) et l’atmosphère est sombre et intrigante. Puis Mountains nous rappelle à quel point la vie est faite de hauts et de bas, des montagnes russes, des obstacles difficiles à surmonter (‘All the mountains blur my eyes‘). L’album montre aussi des sonorités plus douces comme sur The Hits et son texte oscillant entre tragédie absolue et poésie visuelle, ou Countless Days, à la mélodie entêtante, et ses cordes accentuant le lyrisme et la profondeur de la chanson. Enfin, Shannon Wright clôture de la plus belle des manières ce réservoir d’amour avec deux titres, Shadows et Something Borrowed, respectivement dédiés à Philippe Couderc et Steve Albini. Deux morceaux intimes, émouvants et poignants. La mémoire des absents, à travers la musique, devient ce qui défie la mort.

En écoutant Reservoir of Love, il est évident que Shannon Wright n’a pas seulement confronté la mort, mais qu’elle a trouvé, à travers sa musique, un moyen de lui résister. Chaque note, chaque parole porte l’empreinte de ceux qui sont partis, mais aussi la force de ceux qui continuent à aimer. Ce réservoir d’amour, même noyé dans la douleur, reste une source intarissable. À travers son écriture brute et sincère, elle nous rappelle que la musique, comme la mémoire, peut transcender l’absence et transformer les blessures en une forme de lumière. Shannon Wright, fidèle à elle-même, fait de l’intime une arme de résistance et offre ici une guérison aussi douce qu’inattendue. Reservoir of Love n’est pas simplement un album, c’est un hommage, un cri, mais aussi un souffle d’espoir, là où tout semblait se briser.

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