24 Fév 23 shame – ‘Food for Worms’
Album / Dead Oceans / 24.02.2023
Indie post punk
‘La Lamborghini des albums de shame‘, ce sont les mots qu’a choisi Charlie Steen pour décrire Food for Worms. Sur l’autoroute bondée du revival post-punk, il semblerait que tous nos groupes prennent la même sortie : celle du positivisme. A l’image de TV Priest ou plus récemment The Murder Capital, l’accalmie se fait ressentir après la tempête, et c’est tant mieux.
Ici en effet, les cinq anglais n’ont pas honte de lever le pied et de revenir à des ressentis plus apaisés. Les cris vindicatifs de Charlie Steen et les tempi urgents laissent place à plus de mélodies aérées, sans rien perdre du potentiel tubesque que le groupe exploite avec brio depuis presque sept ans. Plus ambitieux, Food For Worms laisse donc reposer la force brute et adolescente de shame, et se laisse gagner par des influences plus variées. Si le terme ‘album de la maturité’, utilisé à outrance, veut dire encore quelque chose, il est probable qu’on en ait ici un exemple parfait tant ces furieux précurseurs de cette mouvance post-punk dont la hargne aura inspiré tant d’autres par la suite, semblent désormais désireux d’étendre leur palette de couleurs.
Les morceaux sortis en amont dessinaient déjà les contours de ce disque regorgeant de nuances, sorte d’hybride entre le post-punk originel de The Fall et l’alt-rock des années 2010. Fingers Of Steel – qui ouvre ce troisième album – impressionne d’emblée. Un piano nous conduit à des batteries lourdes sans être assourdissantes, rejointes très vite par des guitares dont la résonance ne nous est pas inconnue : un relent des Strokes plane sur les riffs hypnotiques qui tourbillonnent autour des voix des 5 garçons, unis comme un seul homme, fidèles à leur intention de célébrer ici l’amitié. Enregistré pour la première fois en conditions live, avec l’aide du producteur Flood (Nine Inch Nails, Depeche Mode, PJ Harvey, U2) responsable du niveau de sophistication britrock affiché, Food for Worms souligne une cohésion qui, tout du long, saute aux oreilles. En attestent Yankees ou Adderall qui, en plus de leur originalité versatile incontestable, sont tels de véritables hymnes de comptoir, entonnés par des potes à la sortie du stade. Ailleurs, guitare acoustique et basse, telles deux bonnes amies apaisantes, trouvent parfaitement leur place dans Orchid ou Burning by Design, deux titres bien moins lisses qu’il n’y paraît : il ne s’agit plus d’attaquer frontalement et bruyamment pendant 2mn 30, mais bien de suivre une trajectoire sinueuse et habile jusqu’au climax.
Pas d’inquiétude pour autant. A en croire les montées en tension et les éclats rythmiques de Six-Pack, comme les bpm de The Fall of Paul, les cinq potes de Brixton rappellent à quel point ils sont toujours capables d’envoyer du lourd. Sans jamais être monotone ou ennuyeux, Food For Worms ajoute ainsi sa pierre à l’édifice, en élevant encore un peu plus le niveau d’une scène post-punk actuelle qui n’en finit plus de susciter une interrogation toujours plus récurrente : le revival à l’oeuvre depuis une poignée d’années toucherait-il à sa fin pour laisser la place à quelque chose de nouveau, de plus intéressant ? shame nous donne là un début de réponse.
A ECOUTER EN PRIORITE
Yankees, Fingers of Steel, Adderall, Orchid
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