22 Avr 11 Saul Williams – « Volcanic Sunlight »
Album
(Columbia)
18/04/2011
Éruption pop
Bien qu’il déborde de talent au cinéma comme en musique, Saul Williams refuse d’être une star. Pire, il rend sa tâche toujours plus difficile: d’abord, par on ne sait quelle idée saugrenue, en incarnant la frange la plus intelligente du hip hop à l’époque de son premier album « Amethyst Rockstar« . Ensuite, en n’écoutant que ses désirs de liberté qui, sur le fond comme sur la forme, finissent de faire de lui un personnage complexe et imprévisible. Rien qui puisse donc s’avérer compatible avec des velléités mainstream: un constat qui se vérifie autant par le faible écho de la commercialisation « à la Radiohead » de son album « The Inevitable Rise Of Niggy Tardust« , que par l’accueil glacial qu’a pu lui réserver le public de Rage Against The Machine en ouverture de Bercy. Tendre le bâton pour se faire battre direz-vous.
Succès comme échecs n’auront donc jamais fait vaciller l’intégrité d’un Saul Williams qui sans cesse se réinvente, lui seul décidant de l’orientation de sa musique, du concept comme des collaborations qui pourraient l’affecter. Preuve en est ce « Volcanic Sunlight » – enregistré en France ou il s’est récemment installé – qui lui permet de sortir de son chapeau une énième richesse de sa personnalité musicale, rarement entraperçue jusque là: une énergie rock (« Patience »), un positivisme sans borne incarné par des élans pop qui n’ont jamais été si francs chez lui. Ceux-là qui, malgré quelques remontées à la surface (« Rocket », « Girls Have More Fun »), le poussent à prendre ses distances avec le hip hop pour mieux s’adonner au chant (« Diagram », « Fall Up »), histoire de réduire le nombre de mots sans forcément altérer le message.
Jusque-là souvent remonté et porté par son engagement total (politique ou non), l’Américain porte pour la première fois ici toute son attention sur une musique logiquement plus joyeuse et chaleureuse car débarrassée de toute animosité (d’ou quelques cuivres récurrents), reposant plus que jamais sur un gros travail rythmique. Du coup, pas étonnant de sentir planer les monstres de l’afrobeat (« Look To The Sun »), de suffoquer face à l’intensité de certains morceaux (l’imparable titre éponyme), de sentir quelques fourmillements dans les jambes (« Triumph »), voire de carrément se retrouver quelques décennies en arrière, à l’apogée de la soul/funk (l’étonnement vintage « Give It Up ») comme à l’ère des dinosaures disco (« Dance »). Il n’en fallait pas plus à Saul Williams pour clouer le bec de ceux qui pensaient avoir tout entendu de lui. Et l’histoire est loin d’être terminée.
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