21 Juil 23 Sam Burton – ‘Dear Departed’
Album / Partisan / 14.07.2023
Soft rock – Folk
Certains disques sont définitivement crépusculaires. Quoique l’on fasse, quels que soient les moments dans la journée où on les écoute, ils nous donneront l’impression tenace que le soleil se couchera, que l’agitation du monde environnant s’apaisera, que les responsabilités et tracas du quotidien s’atténueront et que, enfin, notre sensibilité pourra s’épanouir dans toute sa profondeur, ce qui signifiera : avec délicatesse et raffinement pour que la sensation éprouvée le soit dans sa plus grande pureté. Osons dire que Dear Departed, le second album de Sam Burton, et le premier pour Partisan Records est de ce type : il a cette luminosité consolante, cette chaleur réconfortante, cette douceur réparatrice que le jour déclinant nous apporte, mais également cette mélancolie que l’approche de la solitude nocturne distille en chacun.e de nous sans que nous songions un seul instant à lutter contre elle.
I Can Go With You, le précédent et premier album du songwriter américain, servait déjà d’écrin à sa splendide voix, mais n’échappait pourtant pas, sur la longueur, à l’uniformité. C’était beau et prometteur, mais il manquait sans doute ce supplément d’âme que seules les épreuves de la vie permettent d’acquérir. En quittant Los Angeles pour revenir dans son Utah originel, en prenant ses distances avec le monde de la musique afin, entre autres, d’aider des proches à construire leur maison, Sam Burton a entrepris, intérieurement et extérieurement, la remise en cause qui fait entrevoir à un homme les raisons d’être de son engagement artistique. La voie de la rupture et de l’humilité, ici, s’est avérée être la voie de l’épanouissement : Dear Departed écoule ses mélodies sublimes, incarnées avec une généreuse intensité par leur auteur, et qui touchent d’autant plus que leur production raffinée ne gâtent jamais leur simplicité. Dear Departed, ‘cher disparu’, et il pourrait très bien s’agir de l’ancienne version de Sam Burton, puisque celui-ci semble à présent s’imposer une réflexion sur ce qui lui est essentiel pour être pleinement lui-même.
La voix du chanteur, ici, révèle toute son envergure mais sans jamais céder à la démonstration ou à la facilité des effets. La sobre ampleur du chant ne propulse pas celui-ci vers des hauteurs le rendant inaccessible ; il ne quitte jamais terre même s’il manifeste souvent un désir d’élévation. On pense à Roy Orbison pour le léger et délicat vibrato, ainsi que pour l’aisance à planer dans les aigus, mais également à la gravité bouleversante dont pouvait être capable Tim Buckley. La voix ne serait toutefois pas aussi convaincante si elle n’était magnifiée par une orchestration exquise, à la richesse non ostentatoire, du type de celle que l’on pouvait – par exemple – entendre sur les disques de Carole King au début des années 70. Le travail de producteur de l’excellent Jonathan Wilson est ici à souligner : en ajoutant une rythmique discrètement sensuelle aux chansons de Sam Burton, il donne à celles-ci la chair et la soul qui leur manquait, tandis que son subtil dosage des cordes permet, régulièrement, d’enrober soyeusement le chant tout en en élargissant la portée. Il y a là un sens de la mesure tout à fait admirable, qui dessine une fine ligne de crête entre la légèreté de la pop orchestrale et la dimension plus terrienne de la folk.
Après l’entrée en matière songeuse de Pale Blue Night,I Don’t Blame You conduit l’album directement vers son sommet : une voix sereine émerge d’un fond de mélancolie, accompagnée progressivement de choeurs diaphanes, avant que les cordes ne donnent à cette ode à l’abandon sa dimension céleste. C’est à la fois contemplatif et suave, et la suite de l’album ne faiblira pas, enchaînant les moments de pure beauté (Long Way Around, Looking Back Again, entre autres), tout en nuances, jusqu’au magnifique final, plein d’espoir, d’A Place To Stay, qui voit le voyageur ayant accompli un long et difficile périple contempler, au soir naissant, les premières lumières de la ville et aspirant par là même à trouver, lui aussi, le lieu où il séjournera en paix. Le crépuscule, encore et toujours, moment des bilans et des grandes décisions.
Sur la pochette de l’album, un intense ciel bleu occupe la moitié supérieure, tandis qu’une terre ocre et désertique, dont l’horizon recouvre tout juste la silhouette du chanteur, occupe la moitié inférieure : tel est Sam Burton, attiré par l’au-delà, mais refusant de renoncer à l’ici-bas, attirant à lui les beautés célestes pour les partager avec toutes celles et ceux qui manquent d’un astre pour les guider.
A ECOUTER EN PRIORITE
I Don’t Blame You, Long Way Around, Empty Handed, Looking Back Again, A Place To Stay
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