Salem – ‘Fires in Heaven’

Salem – ‘Fires in Heaven’

Album / Autoproduit / 30.10.2020
Witch house

2020 prouve encore et toujours qu’elle est l’année des surprises. Dernière preuve en date : le retour du groupe underground culte Salem, dix longues années après l’influent King Night. Réduits à deux membres après le renvoi polémique d’Heather Marlatt (qui ne se cache pas pour conchier ses anciens partenaires), les Américains du Midwest sont attendus au tournant par une horde de fans extatiques. Dur dur d’avoir une aussi lourde responsabilité sur les épaules : Salem ne remplit le contrat qu’à moitié sur Fires In Heaven, un bon album où le brio des débuts et l’absence d’Heather se font néanmoins cruellement ressentir.

En 2010, il fallait avoir son petit avis sur le phénomène. Et tant pis pour la neutralité ! Les passions et les avis se déchainaient sur ce groupe profondément clivant tant son mélange de musique électronique, de noise, d’hip-hop expérimental et de pop gothique a apporté avec lui son lot de détracteurs et d’admirateurs. L’empreinte de Salem sur les recoins sombres de la culture populaire de la dernière décennie est cependant indéniable. Les pionniers de la witch house (je veux bien combattre IRL tous ceux qui contestent la légitimité de ce courant) ont annoncé l’émergence des rappeurs emo ou encore de l’hyperpop actuelle. Après ce coup d’éclat, le groupe a disparu des radars en s’enlisant dans des histoires sordides de drogues dures et de prostitution. Soyons donc reconnaissants envers Jack Donoghue et John Holland pour ce deuxième album fleurant bon la rédemption.

Autant le dire d’emblée, leur musique est toujours aussi déprimante qu’il y a dix ans. Sur l’intro Capulets et son sample du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev, les Américains ne peuvent pas s’empêcher de se lamenter ad nauseam sur la banalité de l’existence. Le morceau est une entrée en matière un peu faiblarde, ressemblant même à un rap éméché de fin de soirée directement uploadé sur Soundcloud. On ne peut cependant pas reprocher à Salem de tout miser sur le style et d’être partisan du moindre effort. La production de l’album est absolument impeccable et sans accroc. Rien d’étonnant quand on a le légendaire Mike Dean aux manettes ! Jack Donoghue, en tant que producteur roublard, a également apporté son grain de sel à la vision sonore soignée de Fires In Heaven.

L’absence d’Heather force les deux compères à s’appuyer sur leurs talents vocaux, bien plus que sur leur précédent opus. Ils réussissent le challenge la plupart du temps, comme sur le rap sinistre et paranoïaque de Red River. Mais il faut aussi savoir se rendre à l’évidence : le vide laissé par Heather, ingrédient essentiel à l’éclat radical et à la force de frappe du groupe, n’a pas été comblé. Et la brièveté de l’album – 11 titres pour 29 minutes – n’arrange rien à l’affaire.

Pas de constat alarmant pour autant. Salem manie encore comme jamais les moments cathartiques : Sears Tower est un flamboyant morceau de métal EDM annonciateur de fin du monde tandis que Starfall est sincèrement un des plus beaux titres de 2020. Je ne suis pas un grand sentimental, mais l’arrivée de ses synthés me donnent envie de me foutre en position fœtale et de réfléchir à tous mes choix de vie.

Il était écrit que Salem ferait son retour dans une année aussi troublée que 2020. Du fait de l’attente énorme, Fires In Heaven ne pouvait contenter tout un chacun. S’il n’est pas l’album révolutionnaire qu’on était en droit de réclamer, il reste assez bon pour pouvoir attirer de nouveaux convertis. Il faut maintenant souhaiter que le duo reçoive enfin le crédit qui lui est dû pour avoir façonné une partie de la musique underground de ces dix dernières années.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Sears Tower, Starfall, Red River


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