Saba – ‘Care For Me’

Album / Saba Pivot / 05.04.2018
Hip hop

En termes de hip hop, Chicago est insubmersible tant la ville américaine nous offre depuis des décennies des albums marquants, habités par les nombreux courants qui la traversent. Si Kanye West et Common se glissent en premiers dans la tête du néophyte, la Windy City compte bien d’autres représentants. Chief Keef, Lil Durk ou G Herbo sont certaines des figures de la Drill Music, un courant très proche de la trap d’Atlanta qui trouve toute sa noirceur dans la violence gangrènant certains de ses quartiers. A l’inverse, Chance The Rapper, Mick Jenkins et aujourd’hui Saba, en prennent le contre pied, n’hésitant pas à intégrer le jazz et le gospel au plus près de leur rimes ludiques et dépressives.

Battue par les vents et les sentiments contradictoires, la frêle posture de Saba s’incarne d’un sentiment à l’autre. Le sceptre de la dépression n’est jamais loin, la solitude fait son entrée dès le premier morceau (‘I am so alone, but all of my friends, but all of my friends got shit to do‘ rappe t-il sur BUSY/SIRENS). Dès lors, l’album prend différentes allures, des pérégrinations du Mc l’emmenant au plus près de filles aussi fauchés que lui (BROKEN GIRLS) jusqu’à sa tragédie familiale (son cousin et mentor poignardé à mort) sur l’angoissant LIFE. CARE FOR ME évolue ainsi, dans un sceptre musical qui couvre avec douceur et élégance chacune des humeurs de Saba, soucieux de mettre à distance la réalité le temps d’un morceau (CALLIGRAPHY et son piano jazz apaisé), ou de revenir sur les différentes rixes qui ont émaillé sa vie avant d’en établir le cinglant constat (‘But I don’t wanna fight no more, cause i’m not a fighter‘).

Parsemés d’éléments classiques et plus contemporains, CARE FOR ME conserve jusqu’au bout son équilibre et donne à son auteur le plus beau des écrins, ou se miroite le portrait touchant d’un jeune rappeur traînant avec lui une file conséquente de joies et de peines, désormais promis à un avenir très éloigné de ses heures sombres.