Rosalia – ‘Motomami’

Rosalia – ‘Motomami’

Album / Columbia / 18.03.2022
Reggaeton & pop futuriste

Voilà déjà plusieurs semaines que le nouvel album de l’artiste barcelonaise Rosalia tourne en boucle sur nos platines. Un album intitulé Motomami, duquel il est difficile de passer à côté tant l’engouement semble mondial, et la presse musicale comme rarement unanime. De nombreux mélomanes continuent certainement de s’interroger à son sujet, mais force est de constater que la jeune femme de 29 ans, issue d’une région ouvrière de la Catalogne, est bel et bien depuis quelques années en train de bousculer les habitudes et les codes du paysage musical avec un sourire et un naturel déconcertant. Nourrie dès son plus jeune âge par les traditions, la spiritualité, et le flamenco cher à sa famille, la catalane n’a pour autant jamais oublié qu’elle était avant tout une fille de son époque, ouverte au monde. Par conséquent, elle s’est attelée depuis le début de sa carrière à modeler son art comme le meilleur des liens entre modernité et tradition. Mieux que ça, elle n’hésite jamais à tenter des associations musicales improbables, et des grands écarts de style à faire pâlir un Jean Claude Van Damme, dans le simple et pur objectif de dynamiter les frontières entre l’underground et la musique mainstream, attisant ainsi (à raison) toutes les curiosités du monde.

Il règne sur ce Motomami – à la fois libre et inspiré, radical mais jamais inaccessible – une envie folle d’expérimenter, de tenter des choses moins conventionnelles, avec toujours comme leitmotiv la spontanéité et non le calcul. Fruit d’une artiste totalement en phase avec elle même et ses envies, ce nouvel album, dont la fraicheur est plus que palpable, réussit ici le tour de force de convaincre les mélomanes les plus exigeants, avec un cocktail détonnant d’idées et de directions musicales en tous genres, l’espagnole ne s’interdisant rien, et s’emparant de tout ce qui a pu bercer ses oreilles, pour accoucher d’une oeuvre pertinente, singulière, et qui jouit d’une personnalité incroyable.

Comment ne pas avoir envie de bouger à l’écoute de titres comme Saoko, Chicken Teriyaki ou encore Bizcochito ? Comment ne pas percevoir la pure mélancolie qui habite des titres comme Candy, G3N15 ou Como Un G ? Comment ne pas avoir les poils qui s’hérissent en écoutant l’envolée finale de la conclusion Sakura ? Tous les genres musicaux y passent, du reggaeton futuriste (Diablo) aux élans traditionnels flamenco (Bulerias), des sonorités hip-hop US à la pop avant-gardiste (Motomami), du dancehall jamaïcain en passant par certaines expérimentations électronique (CUUUUuuuuuute), et le tout sans succomber aux sirènes de l’anglais roi. Claro que si ! Plus aventureux et rugueux que son prédécesseur, El Mal Querer sorti en 2018, Motomami déborde d’audace, à l’image du titre phare Hentai dont les paroles explicitement sexuelles s’allient curieusement à merveille avec une musique douce façon Walt Disney mais dont la finition s’inspirerait plutôt du Yeezus de Kanye West. Les grands écarts disions nous.

La symbolique et les messages ornent également la pochette de l’album, qui offre une esthétique importante et frappante. Dans une ambiance manga qu’affectionne particulièrement la jeune catalane, cette dernière pose nue, casque de moto sur la tête et ongles aussi longs que des lames tranchantes. ‘Moto’ représente la force et le caractère. ‘Mami’ est synonyme de mama et représente la douceur. Une ambivalence qui fait écho au souvenir enfantin d’une mère vêtue d’un manteau de cuir et conduisant une moto. Une image restée dans la mémoire de la chanteuse, et aujourd’hui synonyme d’émancipation. Un typographie bien choisie aussi, avec des ‘M’ comme des papillons, signe du changement et de la transformation qu’est en train d’opérer Rosalia sur son oeuvre.

Difficile de dire ce qui impressionne le plus, entre la prouesse musicale atteinte sur Motomami, ou le chemin parcouru ces dernières années par Rosalia et son évolution phénoménale en à peine trois albums. Le talent est ici trop évident pour qu’on puisse se permettre de l’ignorer, et Motomami est un disque comme il s’en fait trop peu dans le paysage mainstream pour qu’on puisse le bouder. En le parcourant, on y ressent des moments de totale vulnérabilité, des lâcher prises incroyables, mais aussi un naturel véritablement revigorant et qui redonne foi en l’avenir de la musique pop. Même si Rosalia marche actuellement sur les plates bandes de chanteuses populaires comme Ariana Grande, Billie Eilish ou encore Lorde, nul doute qu’en continuant de s’aventurer sur des chemins plus escarpés, elle pourrait rejoindre également la catégorie d’artistes plus novatrices, telles que Bjork ou encore MIA. Malgré les enjeux économiques qui vont commencer à peser, et les contraintes naissantes liées à sa notoriété mondiale grandissante, la courageuse espagnole s’affiche comme une chanteuse et une musicienne hors norme qui pourrait bien s’avérer comme le phénomène et la référence de la décennie actuelle.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Saoko, Candy, La Fama, Chicken Teriyaki, Bizcochito, Motomami, La Combi Versace, Sakura

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