
24 Avr 20 Rone – ‘Room With a View’
Album / Infine / 24.04.2020
Electro
Si Erwan Castex, alias Rone, crée souvent des mondes tirés d’un imaginaire très onirique, il s’ancre avec son nouveau disque à la portée politique dans un sujet bien réel : le dérèglement climatique et l’inévitable chaos à venir. Découvert sur la scène du Théâtre du Châtelet en mars dernier, Room With a View signerait-il la dernière danse avant la fin du monde ? Il s’agit bien ici d’une sorte de rave party dans laquelle les danseurs vacillent telle une foule militante désordonnée dans un décor apocalyptique où tout semble manquer de s’effondrer. Alors qu’il traite de collapsologie, Rone nous fait basculer dans un univers a priori fictif devenu réel et très palpable.
Tandis que son dernier album Mirapolis explorait des territoires d’une cité utopique digne de science-fiction, le producteur choisit avec ce cinquième album de traiter de l’urgence écologique et sociale. Rone a conçu cet album sous l’angle du spectacle vivant avec le collectif (La) Horde, en s’accompagnant d’une vingtaine de danseurs du Ballet National de Marseille, et explore une nouvelle forme de collaboration en s’improvisant (brillamment) chef d’orchestre de toute une troupe. Même s’il est bel et bien seul derrière ses machines, il n’en résulte pas moins un album collectif dans lequel le travail du ballet de Marseille a largement influencé la composition.
Rone revient à ses racines musicales et à un set-up plus minimaliste avec des beats dancefloor et festifs (Ginkgo Biloba), tout en les faisant cohabiter avec les vagues vaporeuses de Human et parfois même emphatiques de Babel. Le producteur, connu pour ses mélodies aériennes, se donne à une douce mélancolie laissant transparaitre un optimisme certain, en se passant totalement de drums dans le très atmosphérique Sophora Japonica. L’idée étant d’intégrer la présence humaine, il s’imprègne du corps des danseurs occupant l’espace physique mais aussi sonore, en choisissant un son très épuré pour leur donner de l’air (leurs pas font eux-mêmes la rythmique de Esperanza). Sans qu’aucun musicien ne soit invité, il insère pourtant de la musique très organique : il fait entendre les discussions des danseurs et le son de leur respiration (Babel), la voix insouciante de son fils pour clore La Marbrerie, ou encore un débat entre l’écrivain de science-fiction Alain Damasio et le scientifique Aurélien Barrau sur la cause environnementale (Nouveau Monde).
Rone ne se veut ni moralisateur ni accusateur, il intervient comme observateur du monde actuel grâce à ses vagues vaporeuses et parfois emphatiques, pour alerter les consciences de ce que nous sommes en train de vivre. Bien qu’instrumental, l’album nous fait entrer dans une narration aventureuse et résolument actuelle, celle d’une autre perspective sur le monde à observer de notre fenêtre. Alors que les titres énonciateurs des morceaux évoquent le message qu’il souhaite faire passer (Nouveau Monde, Esperanza, Solastalgia…), ils résonnent bel et bien telle une étrange prophétie.
A ECOUTER EN PRIORITE
Sophora Japonica, Gingko Balboa, Human, Babel
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