
12 Fév 25 Rien Virgule – ‘Berceuses des Deux Mondes’
Album / Murailles – Permafrost… / 31.01.2025
Pop expérimentale
Si l’art subtil de l’étrangeté a perdu l’un de ses maître le 15 janvier dernier, il est encore possible de déroger au conformisme ambiant et de titiller notre subconscient. Synthés obsédants, harmonies dissonantes, paroles mystérieuses, structures aventureuses… Le moins que l’on puisse dire, c’est que Rien Virgule ne fait pas les choses à moitié. Et surtout pas comme les autres.
Il n’y a qu’à écouter et s’immerger dans la façon dont la seconde partie de Rimane solo, par exemple, s’emballe peu à peu vers des flagrances hautement psychédéliques avec ce crescendo aussi intense qu’étouffant. Larsens, échos, granulations et autres réminiscences post-industrielles façonnent les Petits os déshérités, tout comme les influences électroacoustiques jalonnent les Sources jaunes, sans oublier le terrassant Ostinato des parades qui nous emporte dans un carnaval sous haute tension. Le tango électronique de la Chute imaginaire d’un astre, la mélancolie qui règne dans Les intrus du cosmos, l’atmosphère dégénérative qui irradie Le manifeste évaporé, tout cela participe à une constellation de morceaux tous plus captivants les uns que les autres. Il n’y a pas un, ni deux, mais bien une multitude de mondes dans ce disque aux mille berceuses. La lenteur des montagnes, poème gothique et technoïde pas très loin des derniers miracles de Beak, parachève ce que la musique a de plus fascinant : distorsion du temps et de l’espace, immersion, grands frissons et puissantes émotions.
Cette symphonie d’un nouveau monde, sorte d’EBM hallucinée, on la doit à un quatuor devenu trio depuis la disparition de Jean-Marc Reilla en 2019. Survivants à ce drame, Anne Careil, Manuel Duval et Mathias Pontevia ont fait plus que perdurer en transformant ce deuil en élixir pour affronter la violence et la noirceur du monde. Avec ce quatrième album soutenu par quatre labels (dont le remarquable Murailles Music), le groupe conjugue mieux que personne bizarreries électroniques et longs gestes contemplatifs pour bâtir une pop du futur au charme rétro.
Entre la beauté onirique de Air et les expérimentations de The Space Lady, ce disque-monde n’a rien d’un point final et pourrait bien être le début d’une toute nouvelle histoire : celle qui s’écrit, au creux des lits, dans nos rêves les plus enfouis.
A ECOUTER EN PRIORITE
Ostinato des parades, Chute imaginaire d’un astre, Les intrus du cosmos, Le manifeste évaporé, Lenteur des montagnes
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