30 Mar 24 Revival Season – ‘Golden Age of Self Snitching’
Album / Heavenly / 23.02.2024
Hip hop
Ville olympique, siège du soda le plus consommé quotidiennement au monde, Atlanta est aussi le berceau d’une des scènes hip hop les plus importantes de l’histoire. Dungeon Family, OutKast, CeeLo ou Organized Noize sont autant de pontes qui, dans le coin, ont fait de la musique urbaine un patrimoine capable de se répandre de génération en génération. La preuve, deux ou trois décennies plus tard, le rappeur B Easy et le producteur Jonah Swilley ont décidé, après des années à s’aiguiser musicalement et spirituellement au sein de la scène locale comme dans les églises pentecôtistes de Georgie, de faire route ensemble et de reprendre le flambeau sous le nom de Revival Season.
Tout juste auteur d’un premier album aussi efficace que passé sous les radars des médias, le duo fait usage d’armes redoutables durant les 14 titres de Golden Age of Self Snitching : le flow et la verve du premier, à la ressemblance troublante avec El-P sur certains morceaux (Message In a Bottle, Golden Silverware), et la culture rock du second qui, lorsqu’il n’est pas derrière ses machines, compose pour Mattiel, groupe de rock-garage-soul. Entre eux, l’alchimie est évidente, trouve son inspiration chez leurs ainés d’Atlanta donc, mais aussi chez Handsome Boy Modeling School et surtout chez les Beastie Boys. ‘Ils m’ont montré qu’on pouvait incorporer du rock n’roll au rap sans que ça sonne comme Linkin Park‘ confesse Swilley.
Jusque-là, rien de neuf sous le soleil de Georgie. Mais c’est en s’intéressant aux méthodes de Revival Season que sa singularité s’exalte. En effet, contrairement aux bonnes pratiques du hip hop voulant qu’un rappeur se pose sur les productions de son beatmaker, c’est tout l’inverse qui s’est produit ici, Swilley construisant ses productions autour du flow de B Easy. Mais l’auditeur n’y voit que du feu, ébloui qu’il est plutôt par la grande diversité de cet album, comme par sa redoutable efficacité quelle que soit la source dans laquelle le duo pioche.
Parce qu’on ne ressort pas indemne de l’écoute de ce Golden Age of Self Snitching dont l’entame, après un Look Out Below un peu trop convenu, se met sous la coupe d’un rock bruitiste à tendance post punk électronique, comme si Run The Jewels se maquait soudainement à la passionnante scène émergeante de Belfast (Chalk, Enola Gay…). À ce petit jeu, Barry White, The Path et Message In a Bottle incarnent à eux seuls toute la réussite du disque. Mais pas d’opportunisme débordant pour autant puisque, plus tard, Revival Season sort de sa poche une production matinée de reggae dub (Propaganda), ou se raccroche avec autant la même facilité aux branches des années 90 sur lesquelles s’agripperont plus volontiers les puristes pour qui le hip hop est aussi une musique qui se danse (Boomerang, Chop, Pump).
Clairement équilibriste donc, Revival Season n’en reste pas moins bien posé sur ses appuis, un pied dans le rap sudiste du siècle dernier et l’autre dans un hip hop alternatif contemporain qui se permet tout. B Easy et Jonah Swilley impressionnent pourtant par la souplesse dont ils font preuve au fil de ce pétillant premier album qui, grâce à sa grande diversité et cohérence, s’écoute comme si l’on plongeait dans la meilleure des playlists du plus crédible des boomers. Et puisque nous sommes à l’ère de la délation via les réseaux sociaux – comme le souffle le titre de ce disque – utilisons les plutôt à bon escient, en criant haut et fort qu’un nouveau groupe est sur le point de marquer l’année 2024 en rassemblant durablement les chapelles hip hop et rock. Tout n’est pas perdu.
Pas de commentaire