Refused – ‘War Music’

Refused – ‘War Music’

Album / Spinefarm / 18.10/2019
Hardcore

Trainer son succès comme un boulet, même quand on ne l’a jamais vraiment cherché, est une des grandes injustices d’un monde de la musique soumis aux éternelles comparaisons. Depuis 2012 qu’ils ont ressuscité et qu’on les renvoie sans cesse à l’éternellement avant gardiste The Shape of Punk to Come qu’ils signaient en bons jeunes révolutionnaires à la fin du siècle dernier, les suédois de Refused le mesurent pleinement, bien plus qu’ils n’auraient pu le prédire d’ailleurs. Car en sortant Freedom (2015), le groupe a eu beau tenter de s’en émanciper en défendant une approche nouvelle, d’écrire lui même la suite de son histoire, la déception de son public était inévitable devant la diversité forcée, les arrangements peu inspirés, et la complexité bien moindre de cet album, alors attendu avec la même impatience qu’un second New Noise. Quatre ans plus tard, ça ne fait pas un pli : contrairement à son ainé, creusé dans ses moindres sillons par les écoutes répétées, Freedom ne tourne pas plus souvent qu’un autre sur les platines.

Ce constat, pas de doute que la bande de Dennis Lyxzen a du le faire elle aussi. Comme rappelé à l’évidence, le charismatique frontman annonçait d’ailleurs War Music comme plus proche de The Shape of Punk to Come dans la volonté du groupe de composer une musique belle et violente. Malheureusement, rien y fait et la destinée de Refused semble bel et bien condamnée à se lire à l’envers tant l’extase d’antan ne réapparait toujours pas ici. Le quatuor a beau user encore des meilleurs mots pour s’élever contre le capitalisme et le patriarcat, saisir quelques occasions de mettre sa singularité en valeur (notamment le jeu de batterie de David Sandstrom, comme sur Blood Red), War Music reste une succession linéaire de déflagrations hardcore sans grande inspiration (Turn The Cross qui se termine façon Rage Against The Machine), parfois de mauvais goût (Violent Réaction, The Infamous Left aux relents heavy metal), malgré de nombreuses tentatives de renouer avec le passé.

Au final, celles-ci salent peut être plus encore l’addition. Trop faiblard dans ses transitions, ses gimmicks de production, et ses choix d’arrangements (la guitare acoustique en appui du refrain de Blood Red, le violoncelle sur Death In Vännäs), Refused n’ose manifestement plus avec la même assurance qu’à ses plus belles heures. Par conséquent, ce War Music manque de tout ce qui faisait l’excellence de son ainé : de diversité au sein d’un même morceau malgré quelques sursauts (I Wanna Watch The World Burn, Malfire), de groove, de profondeur, d’imprévisibilité, de tension punitive (Economy of Death) et de cette interprétation viscérale qui autrefois était telle qu’on pensait entendre le groupe s’en aller affronter la mort.

A trop vouloir eux-mêmes s’influencer, en essayant trop ouvertement d’être ceux dont tout le monde reste nostalgique, les suédois finissent par piétiner leurs propres cendres encore fumantes, comme perdus d’avance devant l’impossibilité de révolutionner deux fois leur art. Reste leur message politique et social, intact sur le fond, qui ne parvient seulement plus à trouver écho dans la forme de leur musique. En 2019, Refused lance certes les pavés avec la même ferveur, ils atterrissent seulement beaucoup moins loin.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
I Wanna Watch The World Burn, Malfire, Economy of Death


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