12 Avr 24 Rank-O – ‘Monument Movement’
Album / Another Record / 29.03.2024
Art punk
Il y a des jours, comme ça, où l’on se prend à croire qu’un autre monde est possible. Que le marasme ambiant laissera bientôt place à des jours plus heureux, que les JO de Paris n’étaient qu’une mauvaise blague destinée à enterrer définitivement un modèle économique hors d’âge, qu’un groupe de rock français pourrait très bien se faire passer pour un groupe british ou ricain. Pour cette dernière proposition, il y a de bon espoir que la prophétie se réalise, et ce dès à présent grâce au deuxième disque de Rank-O.
De sa sautillante ouverture From Every Blow à sa conclusion qui donne son nom au disque, Monument Movement est un vrai shot d’hédonisme. Pour s’en convaincre, il suffira de fréquenter son Hotel Club Paradisio, ne serait-ce que quelques secondes : ambiance lo-fi caribéenne, acide et aquatique, le tout sur fond de guitares désaccordées nous amenant vers la face la plus optimiste de la musique indé. Plein de trouvailles, dadaïstes et arty à l’extrême, savamment produit, ce nouvel album ne semble guidé que par deux seules règles : le plaisir permanent, et l’inventivité avant tout. Nous ne pourrons alors qu’esquisser un déhanché très approximatif face à des structures si catchy, brisées, constamment déviées et bercées par les aphorismes post-modernes et décadents scandés façon David Byrne par les membres de ce groupe de… Tours. Il faut se pincer pour y croire, de quoi nous faire considérablement revoir notre copie sur la supposée rigidité et incompatibilité des musiciens sortant des conservatoires vis-à-vis de la sphère indie rock. Il faudrait en effet être fou et considérablement lutter pour ne pas éructer sur Celebration et son festival de mélodies déviantes, pour ne pas être saisi par les tourments exprimés dans Meadow, pour ne pas avoir les neurones grillés par le soleil de Springs ou tout simplement pour ne pas se sentir dévoré par les harmonies galopantes de Barking Thing. Les irréductibles pourront toujours tenter une chirurgie réparatrice avec la dopamine libérée par l’évidence poppy et frénétique de Rebirth mais pour nous, trop tard, le bien est fait.
Monument Movement, c’est donc le genre de disque estival (avant l’heure) et ludique (doux euphémisme) capable de filer des frissons de bonheur, sur lesquels on se surprend à sourire comme ça, bêtement. Deux ans après De Novo, ces huit nouveaux titres tonitruants aux mille références n’en imposent qu’une : la leur. Avec son art des retournements de situations, ses structures labyrinthiques, ses gimmicks enjoués et ses hooks entêtants contrastant avec son penchant pour l’exploration des tréfonds de la noise et du math rock, ce projet freak débordant de brillantes idées mélodiques et rythmiques fait mouche. Être drôle et faire une musique captivante, lucide mais optimiste, tout ça sans jamais se complaire dans la pose ni lésiner sur l’aspect immédiat de l’ensemble ; impossible n’est pas français.
A ECOUTER EN PRIORITE
Hotel Club Paradisio, Celebration, Rebirth
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