Propagandhi – ‘At Peace’

Propagandhi – ‘At Peace’

Album / Epitaph / 02.05.2025
Thrash punk

Depuis 1989, Propagandhi lutte, clame, revendique au point d’être devenu pour tout amateur de punk rock une voix qui résonne au sein d’un système capitaliste oppresseur nous serrant la gorge toujours plus fort. Si dénoncer le racisme, le patriarcat, l’homophobie, le consumérisme, l’impérialisme, l’exploitation animale, la destruction de l’environnement a toujours fait partie du cahier des charges des canadiens, force est de constater que Victory Lap trahissait déjà dans ses paroles quelques signes de fatigue. Huit ans plus tard, et alors que l’état du monde ne s’est pas franchement amélioré, le découragement est une nouvelle fois perceptible tout au long de ce At Peace qui, s’il s’est longtemps fait attendre, est peut-être sorti un peu trop tôt : depuis sa mise en boite, le conflit israëlo-palestinien a atteint son climax, et l’Ukraine tente tant bien que mal de résister à l’invasion russe. Surtout, Donald Trump a repris le pouvoir aux Etats Unis, multiplié les décisions politiques pour le moins douteuses, et jamais caché son désir d’étendre son pouvoir sur la planète toute entière, en premier lieu sur le Canada qu’il rêve en 51ème Etat américain. Du grain à moudre de tout premier choix pour la bande de Chris Hannah.

Album de vérités dérangeantes‘ selon les principaux intéressés, At Peace témoigne à chacune de ses pistes de ‘l’effroi existentiel d’une vie digne d’être vécue dans cette société complètement ratée‘. Au fil des treize titres, le groupe met les deux pieds dans le plat. Il hésite – non sans humour – entre sauver le chien de famille ou un bébé – potentiel futur nazi – de la noyade, avant d’avouer ne pas savoir nager et sa préférence pour les chats (Cat Guy). Plus sérieusement, Propagandhi recadre la classe dirigeante (At Peace) et ses accointances fascistes (Benito’s Earlier Work, Vampires Are Real), s’exprime sur la contradiction de vieillir dans un monde décadent (No Longer Youg, Rented P.A.), ou se montre visionnaire en signant un Fire Season sur fond de désastre écologique avant même que Los Angeles s’enflamme.

Et côté musique alors ? Si on est loin de la naïveté et des idéaux optimistes qui animaient les canadiens dans les années 90, Propagandhi convoque pourtant une fois encore sa patte identifiable, une griffe dans le thrash metal cher au chanteur-guitariste qui n’a cessé de prendre le dessus depuis Supporting Caste (2009), l’autre dans le punk rock qu’affectionne particulièrement le batteur Jord Samolesky. Sauf que, si les riffs sont encore particulièrement aiguisés (Prismatic Spray, Vampires Are Real), la tendance s’inverse : les élans parfois trop techniques et démonstratifs des précédents disques, hérités du métal, laissent désormais la place à plus d’espace (Guided Light à l’influence Judas Priest assumée), de mélodies et d’introversion (Stargazing, God of Avarice). Une démarche volontaire de la part des quatre de Winnipeg qui n’ont plus voulu céder à tout prix à la vitesse d’exécution. ‘Quand tu vas trop vite, tu perds en groove. Là, nous avons vraiment voulu capturer l’essence et l’humeur des chansons, ne surtout pas les gâcher‘ précise Chris Hannah.

Entre capitulation et devoir de persévérance, avec le poids de l’âge qui se balance au dessus de ses têtes comme une épée de Damoclès, Propagandhi poursuit son oeuvre avec la clairvoyance de l’aîné. Car, avec At Peace, le quatuor ne manque pas l’étape cruciale de la remise en question. Mieux, en réveillant la nostalgie des fans de la première heure tout en abreuvant les suivants de ses fameux relents thrash, il fait de ce qui pourrait être son dernier album le résumé le plus juste d’une carrière de bientôt quarante années de révolte, aussi passionnantes que d’utilité publique.

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A ECOUTER EN PRIORITE
At Peace, Cat Guy, No Longer Young, Stargazing, Benito’s Earlier Work

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