Primal Scream – ‘Come Ahead’

Primal Scream – ‘Come Ahead’

Album / BMG / 08.11.2024
Rock

Primal Scream, mené par le charismatique et insaisissable Bobby Gillespie, revient après huit ans d’absence avec Come Ahead, son douzième album. D’abord, comment parler du groupe sans aborder ce petit bijou intemporel qu’est Screamadelica (1991) que toute personne devrait avoir écouté au moins une fois dans sa vie. Plantons le décor : des entrepôts ou des clubs bondés, où des jeunes déferlent dans une atmosphère électrique, rythmée par des basses profondes et hypnotiques. Le son de Primal Scream, en particulier sur ce disque légendaire, incarne cette énergie : l’album fusionne des éléments de rock psychédélique avec des influences électroniques, un mariage musical qui capture l’essence de l’époque. Des morceaux comme Loaded et Come Together deviennent des hymnes de cette génération, symbolisant l’union d’une jeunesse avide de liberté et de nouveaux horizons sensoriels. Primal Scream n’est plus seulement un groupe de rock alternatif, mais un ambassadeur du melting-pot culturel et sonore qui définit cette période.

Dès leurs débuts, les écossais se sont démarqués en refusant de se limiter à un style ou à un mouvement. Dans les années 80, ils s’inscrivent dans la scène indie rock avec un son marqué par des influences psychédéliques et des guitares éthérées. Mais dès les années 90, avec Screamadelica toujours, ils embrassent pleinement la révolution acid house, se mêlant à l’énergie rave pour créer une fusion révolutionnaire entre rock et musique électronique. La progression continue avec XTRMNTR (2000), un album beaucoup plus sombre et politiquement engagé, qui marque un tournant radical pour le groupe. Ici, Primal Scream adopte une approche brutale et abrasive, mixant des éléments de punk, de musique industrielle, et de techno pour exprimer sa colère face aux dérives politiques et sociales de l’époque. Ce disque se distingue par son son lourd et dissonant, ses rythmes implacables et ses paroles dénonciatrices, avec des titres comme Swastika Eyes qui s’en prennent aux excès du capitalisme et aux abus de pouvoir.

Primal Scream ne cessera de brouiller les frontières avec des albums comme Give Out But Don’t Give up aux influences blues rock et funky (1994), Vanishing Point (1997) mêlant psychédélisme et heavy métal, ou plus récemment Chaosmosis (2016) aux sonorités pop électronique et minimaliste. Ce passage d’un style à l’autre reflète sa capacité unique à réagir aux changements culturels et politiques de chaque époque, sans perdre de vue son identité. Cette volonté de réinventer leur son pour rester en phase avec leur époque montre à quel point ces écossais incarnent une recherche incessante de résonance et d’authenticité, au-delà des genres musicaux et des attentes de l’industrie.

Avec Come Ahead, décrit par l’intéressé comme un album portant une touche d’espoir tempérée par l’acceptation du côté le plus sombre de la nature humaine, Bobby Gillespie surprend une fois de plus. L’entame Ready To Go Home, teintée de gospel et dans laquelle il est question de l’acceptation de la mort et du désir de paix intérieure, plante une première banderille. Ce morceau interpelle quand on sait que Gillespie a publié en 2021 une biographie, Tenement Kid, qui est en quelque sorte un état des lieux de son parcours. Tout au long de Come Ahead, Primal Scream ne cesse de critiquer le monde dans lequel nous vivons, à l’image d’Innocent Money, critique acerbe de la société capitaliste et de notre obsession à l’argent. L’image d’une société juste semble hors de portée (‘Marx’s pipe dream of a classless society is further away than the mountains of Mars‘). Le morceau est un melting pot d’influences, entre symphonie pop, musique de films des années 70 et rap.

Avec Circus of Life dont le son nous rappelle fortement celui de Screamadelica, Gillespie va même jusqu’à comparer notre quotidien à un spectacle risible. De son côté, Melancholy Man nous entraîne dans les abysses de la désolation. La guitare gémit, la voix rauque et éraillée du frontman est sans fioriture. False Flags (Are Flying) où il est question de la futilité et l’absurdité de la guerre, ou encore Deep Dark Waters, critique sombre et poignante des cycles historiques itératifs, de violence, de xénophobie et de déshumanisation, sont des morceaux lumineux et envoûtants. A contrario, Settler Blues est beaucoup plus lancinant. La voix est chargée de douleur et de peine, la présence des chœurs renforce l’émotion et l’intensité du texte, comme pour Heal Yourself. Même si l’amour semble fragile, le groupe appelle à la rébellion à l’écoute de Love Ain’t Enough, rock’n’roll à souhait, à la résistance passionnée avec Love Insurrection, au rythme syncopé et contagieux, qui nous enveloppe dans une ambiance captivante. Énergie que nous retrouvons aussi sur The Centre Cannot Hold.

Avec Come Ahead, Primal Scream livre un album audacieux et chargé d’émotions, où Bobby Gillespie nous entraîne entre ombre et lumière, signe une ode à la résilience et à la révolte, où l’espoir se mêle aux critiques acerbes du monde contemporain. Porté par une énergie rock intense et des influences variées, ce cru 2024 incarne parfaitement l’esprit indomptable de ses auteurs : celui d’un groupe qui continue de surprendre et de captiver, en invitant chacun de nous à avancer malgré les ténèbres.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Love Insurrection, Ready To Go Home, Deep Dark Water, The Centre Cannot Hold

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