Population II – ‘Maintenant Jamais’

Population II – ‘Maintenant Jamais’

Album / Bonsound / 28.03.2025
Rock psyché

Les électrons libres du Québec sont de retour avec un troisième album évidemment étonnant – compte tenu de la démarche peu conventionnelle qui les caractérise, mêlant sans a priori prog et hard rock, funk et kraut – mais aussi et surtout d’un charme fou, irrésistible à de nombreux moments. Le trio de Montreal était déjà très fréquentable sur ses deux premiers opus, mais sur Maintenant Jamais il acquiert une dimension inédite qui fait état d’une évolution aussi fascinante qu’enthousiasmante. Il y a toujours, régulièrement, des fulgurances électriques bravaches, mais ce qui domine et séduit très rapidement ici, c’est ce groove moelleux insistant, enveloppant l’ensemble d’une douce sensualité. Avec Population II, on se croirait propulsé dans les années soixante dix, écoutant sur une installation HI FI vintage une musique dont la rythmique a cette rondeur dans l’impact qui permet de canaliser toutes les digressions et les explorations à la guitare. Il y a là une invitation à s’embarquer dans un voyage imaginaire, ouvrant sur un monde parallèle dans lequel une certaine vision de notre passé sert à composer une image du futur. On pourrait ici créer une analogie avec la BD et notamment les Cités Obscures de François Schuiten, dont la précision du trait lorsqu’il s’agit de donner naissance à des visions à cheval sur plusieurs époques est comparable à cette capacité des Québécois à conjuguer le rock psyché avec une interprétation futuriste de la musique électronique allemande des seventies pour former une vision profondément singulière et surréaliste de notre présent. Maintenant Jamais nous est ainsi très familier, comme s’il mettait en sons notre présent, mais il ouvre sans cesse des fenêtres vers d’autres dimensions temporelles, entrelaçant souvenirs plus ou moins fantasmés du passé et anticipations éberluées de l’avenir.

On l’aura compris, ce troisième album de Population II fascine d’emblée, mais ne se laisse pas facilement apprivoiser. Il faut combien d’écoutes pour en comprendre le déroulé et le sens de la démarche ? En ce qui nous concerne, une quinzaine peine encore à nous faire saisir le sens de ce projet exubérant, déroutant et pourtant instantanément plaisant. On accroche tout de suite, mais sans bien savoir où nous conduit cette musique si particulière. C’est peut-être lié à la voix, à sa délicate et chaude tonalité frôlant régulièrement le murmure, ainsi qu’à sa manière de faire chanter le Français avec des accents anglo saxons, pour un résultat des plus attachants. On ne saisit pas tout des paroles, mais les bribes qui parviennent aux oreilles marquent l’imagination en ce qu’elles s’enracinent dans des expériences du quotidien donnant l’impression d’être merveilleusement inhabituelles (‘C’est toute qu’un feeling que de voir son corps devenir l’eau / Bénite de celle que t’aimes tu l’sais que / Quand c’est chaud c’est chaud‘, à titre d’exemple dans Le Thé Est Prêt). Mais sans doute que ce délicieux désarroi éprouvé à l’écoute de ce nouvel album vient de sa composition même et de son art subtil à mêler différents genres et ambiances. Il y a ces moments dévolus à la densité électrique du psychédélisme, qui ne sont pas sans évoquer Slift, dont le trio a d’ailleurs assuré la première partie de la tournée française du début d’année. Maintenant et Jamais, La Trippance, Homme Étoilé ou Rédemption Naturelle croisent ainsi le proto hard rock avec le garage à la Osees. En contrepoint, la première moitié de Prévisions ou Haut-Fond diffusent leur élégante suavité, et on atteint alors des sommets de coolitude. Régulièrement, on trouve des interludes instrumentaux bienvenus, comme autant d’appels mystérieux à l’évasion (Macavélique Rock, i+i, 13 131), créant de la discontinuité et perturbant les habitudes. Et puis, enfin, il y a ces morceaux inoubliables, funky et instantanément jouissifs : Mariano (Jamais je ne t’oublierai), La Cache ou le génial et terriblement sexy Le Thé Est Prêt.

Pierre-Luc Gratton (chant, batterie), Tristan Lacombe (guitare et claviers), Sébastien Provençal (Basse), ces électrons libres du Québec, laissent toujours circuler l’électricité d’une manière imprévisible, mais il est indéniable qu’ils se sont quelque peu stabilisés autour d’un noyau dur. Ils gravitent dans des directions variées, de façon spontanée, mais sans s’éparpiller, cadrés par l’unité d’une vision conférant à leur musique une cohérence dans sa diversité. Le résultat est imparable : du plaisir, en continu ; des surprises, au bon moment ; bref, la vie qui toujours fait ce pas de côté nous obligeant à garder l’oeil ouvert et l’oreille réceptive.

Photo : Rose Cormier

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Prévisions, Mariano (Jamais je ne t’oublierai), La Trippance, Le Thé est Prêt, La Cache

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