Pop Crimes – ‘Gathered Together’

Pop Crimes – ‘Gathered Together’

Album / Howlin Banana – Les Disques du Paradis – Safe In The Rain / 17.11.2023
Noise pop

Au rythme où vont les choses, les anglo-saxons vont très vite être distancés par les orfèvres de la pop qui, depuis un an, créent de ce côté-ci de la Manche des œuvres tout bonnement inoubliables. Après les splendides réussites récentes signées Eggs, En Attendant Ana ou The Soap Opera, voici que sort ce qui pourrait bien représenter le nouvel Everest de la pop d’ici, ce splendide, touchant mais néanmoins très électrique Gathered Together. Le genre d’album qui sert le coeur, agite le corps et ravit l’esprit. A qui le devons-nous ? A une formation parisienne dont le simple nom engendre à son égard un a priori plus que favorable, puisqu’il fait référence au deuxième album solo de ce dandy tragique qu’était Rowland S Howard : Pop Crimes. Quand on se place sous le haut patronage d’un tel objet de culte, c’est bien simple, il y a obligation d’assurer derrière avec dignité. Et c’est ce que font avec un sublime aplomb Romain Meaulard (guitare, chant), dont le fougueux romantisme se retrouvait déjà sur Lost and Found, inoubliable premier album d’En Attendant Ana, et son acolyte Nicolas Pommé (guitare, chant), lequel apporte une approche noisy qui électrisait jusque là les compositions de Young Like Old Men. Mais ce duo est vite parvenu à son plein épanouissement par la magie des rencontres, avec Morgane Poulain qui, avec Blondi’s Salvationet Amazone, démontrait sa capacité à ouvrir son jeu de batterie à des traditions culturelles variées, et avec Quentin Marquès, insufflant avec sa basse l’enthousiasme communicatif de celui qui s’investit dans son premier groupe. Formé en 2019, Pop Crimes a déjà beaucoup tourné (en première partie de The Murder Capital et Nightbeats, entre autres) publié trois EPs, parmi lesquels le sublime Up To The Moon, en 2021, montrant de manière évidente non seulement ses qualités de compositions mais également sa capacité à émouvoir l’auditeur avec beaucoup de délicatesse.

De quoi s’agit-il, enfin, avec Gathered Together ? D’un grand disque de pop joué par un groupe de rock, dévoilant de purs joyaux mélodiques animés d’un feu intérieur irrépressible, symptôme d’une sensibilité ardente qui a toutefois le bon goût de se maîtriser pour parvenir à chaque instant au maximum de l’intensité dans son expression. Comme si les Replacements reprenaient les Field Mice, au fond. C’est souvent énergique, régulièrement traversé par des refrains magiques, mais aussi et surtout toujours habité par cette forme de tristesse dans laquelle on veut pourtant se plonger parce que promettant paradoxalement le plus grand des plaisirs. C’est là le miracle accompli par Pop Crimes : nous amener quasiment au bord des larmes tout en sachant que c’est de cela dont nous avons besoin pour continuer d’exister, de ce moment où la fragilité se transmue en force.

Ends And Begins, qui ouvre l’album, s’offre d’abord comme un morceau pop clairement typé 90’s, rappelant parfois Ride, mais avec le refrain surgit ce qui va constituer la marque du groupe, à savoir une mélodie de guitare d’une simplicité désarmante mais déchirante d’émotion, accompagnée de choeurs visant au coeur. No More Cryin’, le premier single, enthousiasme tout autant et montre comment le groupe s’entend pour venir greffer, autour de la mélodie principale et afin d’en accroître progressivement l’envergure, des guitares scintillant de toute part et traçant de multiples directions pour mieux révéler le champ des possibles. My Friends commence à la manière des Libertines avant d’entonner son refrain de toutes ses forces. Les voix, dès lors, et comme sur Orange Juice le titre suivant, semblent aller jusqu’au bout de leurs limites, raclant leurs cordes vocales comme s’il n’y avait pas de lendemain, ce qui n’est pas sans rappeler Joe Strummer, Paul Westerberg ou Bruce Springsteen – qu’affectionne tout particulièrement Romain Meaulard – qui chantaient ou chantent encore, eux aussi, comme si leur vie en dépendait.

L’album aurait pu s’arrêter là qu’on aurait remercié Pop Crimes d’avoir à ce point sublimé notre quotidien, mais voilà que fait irruption, au moment même où l’on se dit qu’une baisse de régime va apparaître, Please Come Back In The Game, la chanson réalisant tous nos espoirs. Pleine d’une mélancolie réconfortante, parcourue par un chant assumant sa fragilité, elle est illuminée par des refrains dont on sait qu’ils feront dorénavant partie de nos vies. Et comme si cela ne suffisait pas, la progression ascendante de la mélodie culmine dans des choeurs vaillants, célébrant toute la beauté du monde.

La suite de Gathered Together affichera sans faiblir cette formidable persévérance qui caractérise Pop Crimes, et qui l’amène à exploiter les mélodies proposées pour en épuiser les richesses. La longueur des titres – 4/5 mn en moyenne – parle d’elle-même : il s’agit ici d’explorer le plus possible la chanson, de la gratter avec insistance jusqu’à l’os, afin qu’elle se libère des contraintes de son format et s’immisce ainsi jusqu’au plus profond de notre être.

Pop Crimes possède ce souffle métamorphosant chaque morceau en quelque chose d’épique, de poétique, de bouleversant. Irrésistiblement, il crée un lien d’intimité avec qui l’écoute, le ou la rappelant à ce à quoi la vie l’a détourné.e, à savoir l’innocence dans le plaisir, la confiance dans l’amour, la joie pure d’être ensemble. Glorieuse dans son vague à l’âme, la musique que Gathered Together laisse s’épanouir est telle la Rosebud de Citizen Kane, le symbole du lien indéfectible avec ce qui, en soi, mérite qu’on le chérisse à jamais.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Ends And Begins, No More Cryin’, My Friends, Please Come Back In The Game, Nothing Has Changed

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