Pile – ‘Green and Gray’

Album / Exploding In Sound / 03.05.2019
Indie rock stratosphérique

Autant aller droit à l’essentiel : Green And Gray est un album remarquable. Déjà exemplaire et régulier à chaque sortie, Pile vient encore de pousser le curseur de son rock libre et ouvert. Inébranlable dans sa démarche et magnifique dans son jeu depuis une dizaine d’années, le groupe de Boston apporte aujourd’hui l’altitude nécessaire à des compositions flamboyantes, poussées jusqu’au vertige.

Amoureux des contrastes, Rick Maguire – frontman toujours aussi déconcertant dans sa capacité à créer – conserve son jeu de guitare imparable et signe ici des mélodies colossales de sa voix aérienne ou délurée. Ses acolytes, musiciens de haute volée, ne sont pas en reste : il suffit de porter l’oreille aux orchestrations inondant chaque sillon du disque pour mesurer l’alchimie qui transpire du quatuor. Une symbiose finement travaillée, aussi bien dans l’audace que dans la juste mesure.

Mis à part Bruxist Green qui vient jouer sur un terrain britpop (et botter le cul aux frères Gallagher), on est soufflé par l’assise du groupe. Dans le calme de ballades saisissantes (Other Moons, Hair, My Employer, No Hands) ou dans ses alternances radicales d’intensités (Firewood, Your Performance, A Labyrinth With No Center, Lords Of Calendar, Hiding Places), Pile exprime avec aisance son aptitude à l’élévation permanente, marquant ainsi les sens autant que les esprits. Et toujours, on se prend en pleine tronche toute cette ferveur qui, dans sa rage noise singulière, sait autant distiller ses intensités que ses déséquilibres (On A Bigger Screen, The Soft Hands Of Stephen Miller), avec cette liberté de ton que le groupe assume sans balbutier depuis ses débuts.

Alors oui, et quitte à se répéter, ce nouvel album est remarquable. De réjouissances permanentes en savants rebondissements, aussi bien dans ses compositions que dans sa production irréprochable, Green and Gray frôle constamment la perfection en provoquant l’extase jusqu’à l’étourdissement. Malheureusement trop confidentiels encore de notre côté de l’Atlantique alors qu’ils sillonnent les Etats-Unis à un rythme effréné, Maguire et sa bande mériteraient amplement un autre accueil au sein de l’espace Schengen tant chacun de leurs disques éclabousse de talent. La preuve encore avec cette nouvelle salve qui finit de faire de Pile un des meilleurs groupes de ces dernières décennies. Voilà, c’est dit.