Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs – ‘Land of Sleeper’

Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs – ‘Land of Sleeper’

Album / Rocket Recordings / 17.02.2023
Stoner psyché doom

La fin du monde n’est peut-être pas pour demain, mais nous avons d’ores et déjà sa bande son. Difficile de faire plus dévastateur, lourd, sale, anxiogène, halluciné et parfois extatique que ce Land of Sleeper de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs. Il y a trois ans, Viscerals, par son immédiateté, ses riffs plombés et le format plus ramassé de ses compositions, pouvait se ranger assez facilement dans la catégorie Métal, réjouissant les amateurs du genre mais décevant celles et ceux qui avait apprécié les ambiguïtés du groupe de Newcastle lorsqu’il combinait adroitement, sur ses deux premiers albums, psych-rock et stoner tendance doom.

Le temps de la maturité est arrivé, qui permet aux anglais de synthétiser sur leur nouvel effort discographique, et de manière ambitieuse, toutes les formules expérimentées par le passé, en évitant de se laisser aller aux excès de chacune d’entre elles, à savoir l’excessive longueur des morceaux des débuts, qui défiait les capacités de l’auditeur à trouver une cohérence parmi ceux-ci, et l’uniformité dans la brutalité, qui simplifiait beaucoup trop l’approche musicale plus récente. Sur ce nouvel album, les 8 plages oscillent entre 4 et 7 minutes, exceptés pour le premier single Mr Medicine réduit à 2 minutes, ce qui leur donne une certaine ampleur tout en leur assurant une grande efficacité. Musicalement, on est assez bluffé par l’inventivité du groupe qui, tout en sculptant une masse sonore dense et redoutable de lourdeur, parvient à contrebalancer l’effet monolithique qu’un son de ce type peut générer par des trouvailles mélodiques variées et pertinentes. En étirant juste ce qu’il faut ses morceaux sans renier la frontalité percutante du son, Pigsx7 semble avoir trouvé la bonne approche musicale lui permettant de libérer son imagination, et ce pour un résultat assez impressionnant.

Passons rapidement sur la pochette à l’esthétique pour le moins singulière, pour aborder le vif et le gras du sujet, qui commence par le second single extrait de l’album, la cavalcade effrénée de Ultimate Hammer, avec ses roulements de batterie et ces lacérations de guitare, qui crée instantanément un climat d’apocalypse, renforcé par le chant – s’il est possible de considérer ainsi les hurlements terrifiants de Matthew Baty – adressé aux profondeurs inquiétantes du cosmos. Pour un peu, on s’attendrait à voir fondre sur nous les divinités primordiales et monstrueuses de Lovecraft. Une impression qui ne nous quitte pas à l’écoute de Terror’s Pillow qui semble, par sa rythmique puissante et répétitive, vouloir faire du surplace, mais pour creuser en profondeur, en le pilonnant méthodiquement et impitoyablement, un seul et même sillon. Le climat installé par ces deux premiers morceaux nourrit des visions effrayantes, où les instincts de tout ce qui vit sur Terre s’exprimeraient dans la démesure de la plus complète sauvagerie, mais dans lesquelles, toutefois, serait maintenue une structure de fer. Et c’est là ce qui fascine dans cette musique : aussi agressive et déchaînée soit-elle, elle demeure absolument rigoureuse sous tous ses aspects, ce qui révèle bien le niveau de maîtrise que le groupe a acquis dans son expression.

Land of sleeper arrive probablement à son apogée avec l’enchaînement de deux titres totalement dantesques. Il y a tout d’abord ce Big Rig stupéfiant, avec son faux départ, ses brusques accélérations, ses ralentis angoissants, le tout lardé de solos de guitare psychotiques. On a affaire ici à du Black Sabbath stéroïdé, parfaitement digéré et transcendé, qui ménage régulièrement des effets de surprise dans sa construction. Ce morceau de bravoure éprouvant au niveau rythmique est suivi par l’étonnant et effrayant The Weatherman, qui commence lentement, sur fond de stridences lancinantes, avec des chants liturgiques rappelant les moments les plus inquiétants de l’album Music for our Mothers de Fat White Family, et qui brutalement s’interrompent avec le surgissement d’un cri infernal, laissant bien vite la place à des vociférations incantatoires parsemées de guitares tournant en vrille, faisant vaciller le peu de santé mentale qui restait à l’auditeur. ‘There’s a storm comin’ entend-on : mais était-il besoin de nous signifier ce que nous expérimentions déjà, tétanisés ? Heureusement, Mr Medecine, très court et plus prévisible – ce qui ne signifie pas inefficace -, donne l’illusion d’un apaisement, renforcé involontairement par deux autres morceaux redondants et moins inspirés, Pipe Down et Atlas Stone. Mais ce relatif passage à vide ne fait que mieux mettre en valeur ce Ball Lightning final et magistral, avec son unique note de piano nostalgique et la conjugaison bienvenue des éructations masculines avec une voix féminine au bord du gouffre, pour ce qui s’apparente à une véritable danse macabre.

Nulle lumière au bout du tunnel, uniquement l’appel de la boue. Ce quatrième album de Pigsx7 plante ses jarrets massifs dans la fange, bande de toutes ses forces ses muscles pour expulser de son gosier grotesque son hurlement insensé vers les étoiles en phase d’extinction. Aucun espoir dans ce paysage dévasté que Land of Sleeper dévoile, uniquement une rage d’exister qui se suffit à elle-même.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Big Rig


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