
01 Mar 23 Philip Selway – ‘Strange Dance’
Album / Bella Union / 24.02.2023
Rock alternatif
Quatrième proposition solo de Philip Selway depuis 2010, Strange Dance marque le projet le plus ambitieux et le plus mûri du batteur de Radiohead. S’ouvrant sur le planant Little Things et poursuivant sa trajectoire avec l’hypnotique What Keeps You Awake At Night, ce nouvel album pose dès son introduction une riche palette de couleurs instrumentales, des cuivres solaires aux cordes nocturnes en passant par des percussions célestes ou des instruments traditionnels d’Orient. Avec le piano (Check For Signs Of Life, The Other Side, The Heart Of It All, There’ll Be Better Days) plus que la guitare (Picking Up Pieces, Make It Go Away) comme fil conducteur, il parvient tout de même à réaliser de discrets mais réussis détours vers la musique contemporaine, le jazz ou encore la folk, registre qui avait façonné Familial, son premier essai.
Si les morceaux ne brillent malheureusement ni par la qualité de la voix du batteur multi-instrumentiste ni par leurs paroles, qui semblent ici plus génériques que réellement personnelles, ils fonctionnent pourtant par leur capacité à allier des ambiances à la fois douces et tourmentées. Avec un réel savoir-faire mélodique, bien que non exempt d’une forme de conformisme, et surtout un sens de l’arrangement qui force le respect. Il y a même ici par moment, sans grande surprise, un peu de la magie contenue dans certaines modulations peu évidentes si chères à Radiohead. Un détail qui suffit parfois à créer l’émotion, comme un héritage et une filiation directe avec la maison-mère. L’œuvre de Philip Selway, jusqu’ici plutôt confidentielle, intimiste et timorée, prend donc ici une autre ampleur, du moins dans ses moyens et ses ambitions. Dommage donc, encore une fois, que les qualités d’interprétation et d’écriture ne parviennent pas toujours à faire de ces dix chansons de véritables joyaux, malgré leur relief et le fait qu’elles évoluent dans un écrin toujours saillant. Strange Dance, le morceau-titre, débute par exemple comme une aventureuse pop song art-rock dans la veine du duo Byrne / Eno avant de prendre, hélas, une tournure bien plus insignifiante et peu convaincante. Reste donc la texture et l’idée, au-delà de l’écriture, et l’un des rares moments, avec Salt Air, où la rythmique est centrale – choix étonnant et louable d’ailleurs, pour le batteur, que celui de confier les parties batteries à la brillante Valentina Magaletti (Tomaga, Moin, Vanishing Twin…). Les sommets, loin d’être négligeables, comme la première phase du disque ou le bien nommé The Heart Of It All, font alors peu à peu oublier les faiblesses du disque, comme le très dispensable Make It Go Away, sonnant comme une mauvaise variation sur le thème d’High And Dry du groupe d’Oxford. Offrant au fil du disque une performance vocale encore trop souvent timide, même si celle-ci a gagné en assurance depuis ses premiers travaux, Philip Selway réussi mieux lorsqu’il semble construire son propre univers, au goût certain et à la mesure de plus en plus précise, malgré ses imperfections. A noter également, ici, la présence perceptible et réjouissante d’Adrian Utley de Portishead.
Entre The Smile, Ed O’Brien, Thom Yorke et les B.O. de Jonny Greenwood, les disques de Philip Selway s’imposent désormais, de plus en plus, comme l’une des pièces du puzzle qui permet, peu à peu, de reconstituer l’ADN et la substantifique moelle de ce qui fait la synergie et la réussite de la galaxie Radiohead, débarrassé de la pression et des obsessions de son statut de groupe mythique. Et, ne serait-ce que pour cela, ce disque fait alors un bien fou.
A ECOUTER EN PRIORITE
Little Things, What Keeps You Awake At Night, Check For Signs Of Life, The Heart Of It All
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