07 Jan 20 Patrick Watson – ‘Wave’
Album / Domino / 18.10.2019
Folk
On avait quitté Patrick Watson un peu en froid, suite à un Love Songs For Robots distant et maniéré, comme perdu dans son propre concept, sorte de commentaire sur l’aliénation moderne qui ne faisait que traduire celle de son concepteur. Il y manquait la matière première qui avait souvent animé le songwriter par le passé : des ballades personnelles, mélancoliques et touchantes, capables de faire verser sa petite larme au plus blasé des péquins.
Quatre ans plus tard, le canadien semble avoir une vision plus sublimée de son art, quelque part entre le Carrie & Lowell de Sufjan Stevens et Hospice de The Antlers. Entre-temps, la mort – elle encore ! – a emporté sa mère, puis un ami, et il a subi les affres d’une séparation douloureuse. ‘I never thought the stars would look new again / Thought we’d get old, get dressed and walk the dogs‘ chante-t-il à son amour perdu dans Dream for Dreaming, comme encore plongé dans la stupeur de la rupture.
Wave, c’est donc la vague qui se dresse devant vous, celle qui va vous submerger quoiqu’il arrive, aussi sûrement que la chanson-titre vous bouleversera si vous vous laissez porter par elle. C’est un dernier espoir contre la noyade, et contre la mort elle-même : ‘I’ll see you on the other side‘ promet Watson à celles et ceux qu’il a perdu, son falsetto fragile surgissant à peine d’une houle électronique agitée. Plus loin, Here Comes The River évoquera d’autres submersions, une rivière de larmes, ici gonflée par un sublime crescendo de cordes. On passe du déni (‘Well Mary kept sewing / Holding on to her TV / Even if the water was rising past her knees‘) à la résilience (‘Sometimes it’s going to fall down on your shoulders / but you’re going to stand through it all‘) et pendant ce temps, les enfants nagent entre les cimes des arbres de la ville inondée. C’est tout simplement bouleversant.
Wave, c’est aussi l’onde, celle qui porte toutes ces émotions. Theremin, percussions, guitares acoustiques et claviers sont encore une fois au rendez-vous, écrin de textures qui soutient des titres cette fois-ci souvent mémorables et poignants, particulièrement lorsque Watson s’accompagne lui-même à l’aide de quelques notes simples et cristallines au piano (Broken, Look At You, Here Comes The River).
L’ambiance générale est donc diaphane et mélancolique, mais Watson reste un aventurier du son. La guitare acoustique emmène par exemple Melody Noir vers un séduisant assemblage de rythme cubain et de vocalises à la Francis Lai ou Ennio Morricone, tandis que Drive nous dépose sur des rivages plus inquiétants, nappés d’arpèges synthétiques. Certains détours sont moins convaincants, entre un Strange Rain un peu anodin et d’autres tentatives plus chaloupées ponctuées de synthés seventies funk ou kraut, malheureusement sans intentions claires pour les lignes de chant (Turn Out The Lights et Wild Flower).
Wave oscille, donc, mais ces baisses de tension ne nuisent aucunement à l’ensemble. Elles sont juste quelques creux entre les puissantes vagues qui parsèment un album dont le propos reste sincère tout du long. Car Wave, c’est surtout ce mouvement de main amical tendu vers l’auditeur. Les traumas et les drames peuvent survenir, Patrick Watson ne veut garder que le meilleur du passé pour pouvoir rebondir et retourner vers l’autre. Le résultat est doux-amer, mais jamais pessimiste. ‘But I still sing along / To yesterday’s song‘ le chanteur canadien croit bon de préciser en tendant sa main. Il ne tient qu’à vous de la saisir.
A ECOUTER EN PRIORITE
The Wave, Broken, Here Come The River, Melody Noir
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