Parade – ‘It All Went Bad Somehow’

Parade – ‘It All Went Bad Somehow’

Album / Lollipop / 26.05.2023
Pop rock

Il y a trois ans, presqu’une éternité, Parade sortait un premier EP éponyme qui marquait les esprits. Une voix habitée, un chant en anglais impeccable, des guitares se répondant habilement et une section rythmique solide constituaient la marque de fabrique du quatuor originaire de Marseille. La promesse immédiate d’un groupe sur lequel il allait falloir compter dans les années à venir. Plus qu’une agréable surprise, ces morceaux retentissaient en seulement 17 minutes comme une claque magistrale à la face du monde d’avant.

Et puis tout a basculé en 2020, de la crise Covid jusqu’au confinement, contrariant leur désir viscéral de scène, malgré une sélection remarquée aux Inouïs du Printemps de Bourges. Ne se laissant pas abattre et continuant de composer, Parade s’est concentré sur son objectif, comme une idée fixe : tourner. Les anciennes vies ayant été abandonnées, seule la musique comptait désormais.

Si la deuxième salve est prête, It All Went Bad Somehow ne sort qu’en 2023. Question de timing sûrement, et d’appréhension, peut-être. Le risque, lorsqu’on place la barre à ce niveau dès le premier essai, est de ne plus arriver à franchir les hauteurs suivantes. Mais les doutes sont vite balayés dès que l’aiguille se pose sur le sillon d’Electric Fear. Le son de ce premier titre est reconnaissable entre mille et l’air reste dans la tête, preuve de l’importance de la mélodie, que le groupe revendique comme un composant de son ADN.

En sept titres et une poignée de minutes supplémentaires, ce deuxième EP est à l’image du monde d’après. S’inscrivant dans une continuité assumée, il n’en reste pas moins sombre et urgent. Les morceaux sont plus personnels et constituent les tranches de vie d’un groupe bien dans son époque. Pourtant, s’il est question de ruptures, de séparations et de doutes – fears et tears sont des paroles mantra qui parsèment de nombreux titres – It All Went Bad Somehow n’est pas un énième essai post-punk, pas plus qu’une invitation à se pendre.

Et puisqu’il est question de suicide, évacuons tout de suite le rapprochement régulièrement suggéré entre Ian Curtis et Jules Henriel, chanteur et parolier du groupe. Rencontré juste avant le concert de lancement de leur EP, ce dernier nous confiait son étonnement à ce sujet, qu’il expliquait par le besoin compréhensible et rassurant de se raccrocher à ce que l’on connaît. Il est difficile de lui donner tort, même si, par un curieux hasard, en ce 18 mai pluvieux, 43ème anniversaire du jour exact de la mort du chanteur de Joy Division, Marseille semblait convoquer les fantômes de Manchester.

Bien sûr, la noirceur du chant et la gravité des timbres traduisent une tension immédiatement palpable. Mais la comparaison s’arrête là. Chez Parade, la voix sert autre chose. Sa musicalité et la diction particulière du chanteur en font un cinquième instrument à part entière, sonnant parfois comme Adrian Borland avec The Sound, une référence assumée. C’est là sans doute toute son originalité puisque, comme le rappelle Jules, Parade joue une ‘musique organique’, à l’os et sans fioritures, dans une formule guitares, basse, batterie des plus classiques. Efficace et directe, elle ne s’encombre pas de claviers ni de couches d’effets, ou très peu, avec quelques modulations d’écho dans les cordes ou la voix, comme sur Ghost Inside Of You.

Une apparente simplicité qui permet d’apprécier les riffs que Nicolas tresse autour d’une section rythmique puissante et énergique, à la manière de Mick Jones au sein du Clash, palliant l’absence fréquente de refrains. Cette mise en avant des six-cordes, au-delà de la proximité avec quelques groupes de rock du début du millénaire (voir le riff de Sally’s Gone), n’empêche pas un sens de la mélodie qui donne une tonalité pop à l’ensemble. It All Went Bad Somehow, qui achève l’écoute sur une touche apaisée, en est un bon exemple. A l’image d’un deuxième EP réussi, cocktail détonnant et touchant, cette balade désabusée rappelle avec élégance que tout part en vrille, d’une certaine manière.

Nul doute que les marseillais auront désormais à cœur de le faire vivre sur scène pour rattraper le temps perdu et convaincre, en faisant mentir leur chanteur, que, non, tout n’est pas terminé.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Electric Fear, Ghost Inside Of You, Sally’s Gone


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