Palm – ‘Nicks & Grazes’

Palm – ‘Nicks & Grazes’

Album / Saddle Creek / 14.10.2022
Art rock

Le nouvel album de Palm, son premier sur le label Saddle Creek, s’intitule Nicks And Grazes. Il y sera manifestement question d’entailles et d’écorchures. On sent dès le titre un attrait pour une esthétique du dysfonctionnement, de l’inattendu. L’écoute de ce troisième LP du quatuor new-yorkais le confirme : il s’intéresse davantage au frémissements et détails d’une plaie en cours d’infection qu’aux peaux lisses, douces, et sans imperfections.

Comment cette attirance pour le détail et l’accident se traduit-elle au niveaux d’une composition de rock ou de pop ? Tous simplement en interrogeant et en questionnant toutes les composantes, de la structure aux sonorités. Les amateurs du bon vieux verse-chorus-verse en 4/4 peuvent à priori passer leur chemin, ils ne trouveront ici rien à fredonner, tant les mélodies, les sons ou l’architecture des titres sont complexes.  Mais reste-t-on toujours dans le rock si l’ensemble de ses composantes sont interrogées et remises en question ?

Sur le papier, la formation est tout ce qu’il y a de plus classique : un batteur, un bassiste, et deux guitaristes-chanteurs, Alpert et Kasra Kurt en couple depuis le lycée. Sur le papier uniquement car chaque instrument ou sonorité est ici travaillé, préparé, qu’il s’agisse des guitares sur Mirror Mirror ou Eager Copy en suivant la grande tradition de musique contemporaine d’instruments préparés (notamment mise en avant par John Cage et ses prepared pianos), ou des percussions évoquant toute la famille des steel-drums ou hang drums. Voir jouer Palm en live a d’ailleurs quelque chose de surprenant tant les sonorités entendues semblent en inadéquation avec ce que l’on voit : un quatuor de rock basique.

On l’a dit, si les amateurs de mélodies taillées pour les radios fuiront à la première écoute, les amoureux de sonorités aussi insolites qu’opulentes devraient poncer ce Nicks And Grazes tant l’album fourmille d’inventivité. Les fans de Palm considèrent d’ailleurs le groupe comme le meilleur au monde tant il pousse loin dans ses retranchements l’auditeur en quête de nouveauté. Et pour cause, rien ici ne relève du domaine de l’attendu : les signatures temporelles sont sophistiquées, on a parfois le sentiment d’écouter deux titres en même temps (Away Kit), mais il peut qu’on se décourage tant complexité rime parfois avec compliqué (Suffer Dragon) ou pure expérimentation (And Chairs).

Le quatuor a beau présenter cet album comme son plus abouti, on constate en effet un effort considérable, mais on doit également avouer avoir été bien plus séduits par leur LP précédent, Rock Island, plus mélodique et moins radical dans les expérimentations. Car la force du collectif et son potentiel en écriture de titres art-pop sont grands. En témoignent les excellents Parable Lickers ou Feathers, ce dernier étant servi par un clip tout aussi arty que l’est la musique, dépeignant les musiciens en personnages du moyen-âge, filmés dans un noir et blanc en pellicule, dont le grain témoigne d’une attirance pour l’image aussi grande que l’est celle pour le son.

A l’écoute de Nicks And Grazes, on se retrouve par moments tel un novice ne disposant pas des clés requises pour apprécier à sa juste valeur cette musique d’initiés. Les quelques morceaux plus accessibles nous plongent dans les richesses de leur univers, et nous rappellent que ce type d’album – dont la composition a pris des années – nécessite généralement quelques écoutes avant d’être apprécié à sa juste valeur. Aussi écorchée soit-elle, cette nouvelle livraison de Palm mérite toute notre pugnacité. Le jeu en vaut bien la chandelle.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE

Feathers, Parable Lickers, Eager Copy


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