Other Lives – ‘For Their Love’

Other Lives – ‘For Their Love’

Album / Pias / 24.04.2020
Indie folk cinématique

On se doutait bien qu’Other Lives finirait tôt ou tard par revenir de ses incursions électroniques telles que répertoriées dans Rituals, d’abord parce que celles-ci formaient surtout un léger effet de surface, et rien de plus. Derrière son lustre un peu digital, ce dernier album creusait en fait toujours bien le même sillon d’une indie-folk chiadée et mélancolique aux accents morriconniens. On savait donc que le vrai retour aux sources serait inévitable un jour. Mais quand ?

A première vue, For Their Love semble remplir les conditions de ce retour : plus court, plus ramassé (37 minutes pour 10 titres), et principalement enregistré dans la maison perchée sur une montagne de l’Oregon que Jesse Tabish partage avec sa femme (maison présente sur la pochette du disque, mais également dans les clips), ce nouvel album semble avoir bénéficié d’une production plus ‘familiale’. Un peu comme si le panorama environnant ne pouvait qu’aider le groupe à renouer avec cette mystique qui le guide depuis Tamer Animals au moins, à savoir celle de l’Amérique sauvage et de la solitude existentielle de ses occupants-pionniers.

De fait, le pouvoir cinématique des grands espaces semble animer la plupart des arrangements ici, tout en cascades de cordes, touches de bois et chorales dignes d’un bon vieux Western Spaghetti. Et si le duo d’ouverture Sound of Violence et Lost Day joue déjà à plein régime cette carte cinématique, l’écran 16/9 ne se déploie lui totalement que sur We Wait, titre qui frôle la parodie du Bon, La Brute et Le Truand sans toutefois être ridicule tellement cela reste prenant et bien foutu.

Mais cette première impression de grands espaces n’est peut-être elle-même qu’un nouvel ‘effet de surface’. La balade sauvage que nous propose Other Lives réserve ainsi quelques surprises de taille, révélant au détour d’un chemin toujours plus sinueux des constructions quasiment urbaines, voire même claustrophobes parfois – comme des demeures à la Frank Lloyd Wright dont les angles obtus chercheraient par on ne sait quel miracle à s’harmoniser avec la forêt qui les dissimulait au départ. Il y a le paranoïaque Nites Out – nouvelle preuve de l’influence de Morricone, mais côté BO de film d’horreur italien cette fois– ou encore l’ultra-catchy Cops, tendu et presque sec. Plus que The National ou le Bon Iver des débuts, ce Other Lives-là ressemble à s’y méprendre à un Interpol qui aurait troqué ses six-cordes électriques pour des guitares folk et le tempo plus mesuré d’un orchestre symphonique. Et que dire de cet hommage improbable à la Stax / Motown que représente Hey Hey I, aussi réussi soit-il ? Entre ville et campagne, société et désert, Other Lives n’a manifestement pas toujours envie de choisir…

Il arrive que le groupe se perde dans ce foisonnement d’idées et d’arrangements. All Eyes (For Their Love) avait-elle besoin d’un telle intro-à-tiroirs à la sauce Burt Bacharach ? Mais surtout, avait-elle besoin d’autant de pianos, de flutes, de cuivres, de chœurs, de claves, de cordes et même d’une guitare basse doublée au saxophone baryton (!) pour fonctionner ? Peut-être pas. C’est à se demander parfois si Jesse Tabish n’est pas paradoxalement trop humble ou incertain par rapport à ses propres compos, ne pouvant s’empêcher d’utiliser son talent à en grimer certaines là où Dead Language et Sideways prouvent que le dépouillement suffit au contraire souvent à les mettre en valeur. Cette distance parfois un peu maniérée pourra en irriter certains. Mais pour ceux qui sauront trier le bon grain de l’ivraie, l’essentiel de For Their Love pourrait au contraire devenir rapidement addictif, peut-être même autant que Tamer Animals. Il suffira juste de trouver le bouton de votre caméra intérieure, et de savoir dire ‘action’ au bon moment.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Cops, We Wait, Hey Hey I, Lost Day, Dead Language


Tags:
,
No Comments

Post A Comment