25 Août 23 OSEES – ‘Intercepted Message’
Album / In The Red / 18.08.2023
Synth-punk
Interviewé par un journaliste peu après son arrivée en tant que copilote d’une étape du Paris Dakar, Johnny Hallyday eut cet éclair de génie philosophique en affirmant que ‘exister, c’est persévérer’. Le taulier belge savait-il qu’il reprenait alors presque mot pour mot Spinoza ? Le mystère reste entier. Ce qui est certain en revanche, c’est que la formule du philosophe néerlandais ne s’applique pas à tous, la résignation caractérisant la vie de beaucoup d’entre nous, mais va comme un gant à John Dwyer qui, depuis le début des années 2000, n’a de cesse de persévérer avec une intensité rare dans sa pratique musicale. Et si l’on se précipite pour le voir en concert, c’est parce qu’au fond, au centre de la performance réalisée, se donne une authentique leçon de vie nous remplissant d’une force nouvelle, précisément celle qui nous permet, à notre tour, de persévérer dans notre être.
Si avec Osees, Dwyer a beaucoup expérimenté et frayé des genres différents pour chaque album paru ces dernières années, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne s’est jamais perdu : toujours, il a conservé intacte cette énergie garage/punk qui permet d’assurer la cohérence de son parcours artistique. Alors, certes, on l’attendait ces derniers temps davantage sur scène que sur disque, mais sa soif d’innovation et sa parfaite intégrité permettait à chacune de ses livraisons discographiques de retenir malgré tout l’attention. Et donc, un peu plus d’un an après le très hardcore A Foul Form, Osees revient avec Intercepted Message, sur le label In The Red, avec lequel il collabora au début des années 2010. Ce nouvel album, comme les précédents, propose des innovations formelles qui, ici, étonnent dans un premier temps, pour finalement séduire et convaincre : les synthés vintage évoquent tout autant la musique des jeux vidéos d’arcade des années 80 que celle de Devo mais, plutôt que de susciter la nostalgie, réactivent – ici et maintenant – l’enthousiasme adolescent pour affronter le désordre ambiant. Et cette nouvelle jeunesse dans le son permet à la folie rythmique légendaire d’Osees de gagner en légèreté sans renoncer à son efficacité dévastatrice. Finalement, cela réitère en le renouvelant ce qui plaisait immédiatement dans Carrion Crawler ou Floating Coffin, à savoir un mélange entre agressivité des guitares, rapidité du rythme et refrains enjoués aux frontières de la pop. Mais cette nouveauté pourrait n’être qu’un jeu stérile si elle ne s’appliquait pas à des compositions de bout en bout accrocheuses. A vrai dire, on ne s’attendait pas à une telle qualité mélodique, l’expérimentation tous azimuts ayant souvent pris le devant, ces derniers temps, sur les albums d’Osees. Mais il faut bien accepter ce constat surprenant : le groupe a assumé sur Intercepted Message de faire pleinement et brillamment de la pop, même s’il s’agit le plus souvent d’une pop très agitée et, par ses bizarreries, peu conventionnelle et peu prévisible.
Les singles déjà parus donnaient déjà le ton mais, curieusement, ne préfiguraient pas la richesse et la variété de l’album. Très Synth Punk, Intercepted Message, Goon, ou Stunner évoluaient dans les mêmes contrées et, tout en restant convaincants, laissaient présager un album plus uniforme que celui qui nous est finalement donné à écouter. Force est de constater que, sans manquer d’unité – puisque le caractère synthétique délicieusement rétro de la musique est dominant – l’ensemble a une diversité qui garantit régulièrement les effets de surprise. Blank Chems et son caractère martial donne l’impression d’être la B.O d’un thriller typé 80’s, le funk punk tribal de Die Laughing semble tirer vers les Talking Heads de Remain in Light, Unusual and Cruel voisine tout autant avec le Bowie de Lodger qu’avec le Scott Walker de Nite Flights, The Fish Needs A Bike a cette frénésie et ce saxo hystérique que l’on trouvait chez James Chance and the Contortions, Chaos Heart, ouvertement fédérateur, voit Osees rejoindre la clarté et l’immédiateté pop des premiers morceaux de The Cars, et Sleazoid Psycho a la carrure pour devenir un classique du groupe dont on pressent bien tout le potentiel qu’il pourra révéler en live. Quant à l’étonnant slow langoureux de Always At Night, qui clôt l’album avec l’instrumental LADWP Hold, il voit John Dwyer endosser le costume de chanteur de charme sur fond de claviers atmosphériques, et s’avère tout bonnement désarmant de douce sincérité.
Si A Foul Form voyait Osees se livrer à une confrontation brutale et intransigeante avec le monde, son nouvel album, petite merveille de pop synthétique à l’esprit et au rythme irréductiblement punks, prend de la distance par rapport au chaos environnant en lui opposant la légèreté de la danse et la souplesse de l’humour. Se rassembler dans la fête pour persévérer joyeusement dans l’existence, tel semble être le message que nous sommes toutes et tous libres d’intercepter.
A ECOUTER EN PRIORITE
Blank Chems, Chaos Heart, Sleazoid Psycho
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