Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp – ‘Ventre Unique’

Album / Bongo Joe / 08.11.2024
Chant du monde

Grand aéronef à géométrie variable, Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp oscille entre collectif anarcho-syndicaliste et prophète de la fin des temps. Entre constat absurde de notre aliénation et invitation à tout balancer par la fenêtre, le combo emmené par Vincent Bertholet n’a jamais été aussi ambitieux que dans Ventre Unique, ce nouvel album plus universel que jamais.

L’ambition d’OTPMD n’est pas à chercher dans la visibilité que peuvent offrir les réseaux. Elle est dans la certitude, confirmée par la forme et le fond de l’album,  que l’on peut encore écouter, que l’autre est une richesse, que la connaissance se jauge au plaisir qu’on a de la partager et de la mâtiner. Musicalement, le groupe ne surprendra pas beaucoup ses inconditionnels, continuant de faire de la fusion des musiques une marque de fabrique indéfectible. La métrique kraut voisine toujours aussi facilement avec le syncopé des ‘orchestres tout puissants’, les cuivres chaleureux avec une guitare plus électrifiée qu’auparavant (notamment sur Smile Like A Flower, grand titre hypnotique et singulier). La musique du collectif, à l’image du monde qu’elle prend à pleine main, verse alternativement du côté de l’effroi ou de la danse.

C’est par ses voix que le groupe montre le plus d’ambitions. Si dans une démocratie, chacune a la même valeur, alors OTPMD montre la sienne. Vous peinerez à identifier un leader à l’écoute des onze titres de Ventre Unique, chacun se relayant au chant ou donnant la voix à des guest (comme François Atlas sur Tout Haut). Il est toujours question d’aliénation, de vie hors-sol, de retour à l’essentiel, et de transe. A ce titre, Coagule synthétise toute la thèse de l’album : du constat ‘C’est assez inédit comme forme de tristesse l’extinction de l’espèce‘ au (presque) révolutionnaire ‘On ne comprend plus bien l’intérêt qu’on avait autrefois à obéir‘, la parole ne guérit pas, le collectif ne fait pas dans le développement personnel, mais nous tend un miroir et il ne tient dès lors qu’à nous de prendre nos décisions : certains resteront blottis dans la moiteur aveugle du ventre unique, d’autres réapprendront à obéir au feu qui couve en nos ventres uniques et danser notre retour au monde.