09 Nov 22 Orbel – ‘Lur Hezea’
Album / Usopop Diskak – Medication Time / 05.11.2022
Rock darkwave
Si l’on a souvent tendance à regarder au-delà de l’Hexagone pour trouver des projet hors des lignes et de l’ère du temps, il serait dommage de ne pas s’arrêter ce mois-ci à l’extrême sud-ouest de notre carte, du côté de Bayonne. Réputée pour son climat estival et ses fêtes dionysiaques, la ville cache pourtant en son sein des artistes dont la musique semble issue de froides contrées nordiques.
Orbel, groupe à la parité exemplaire, tient à ses racines et offre donc un chant en basque, cette intention participant à la sensation d’étrangeté et au mysticisme de son univers. Mais au-delà des mots, c’est bien avec ses rythmiques tribales, ses mélodies envoûtantes et ses textures massives que la formation hypnotise. Car il s’agit ici d’une expérience musicale aux frontières de la magie pure, quelque part entre exorcisme électrique et chamanisme électronique, à l’image du rituel païen présent dans l’imagerie du clip d’Irentsi. Le groupe se paie alors le luxe, bien trop rare, de proposer un univers d’une telle densité qu’il faudra de multiples écoutes pour en déterminer les contours, les enjeux réels et sa dimensions humaine. Car à moins de posséder un esprit terriblement résistant et cartésien, il semble impossible de ne pas se laisser pleinement emporter par l’expérience, en se perdant dans les méandres des voix, des nappes synthétiques, des arrangements tortueux et des percussions acérées de ces huit titres édifiants.
Après un EP en 2018 et surtout un premier album bluffant, Hegan, sorti il y a maintenant trois ans, le groupe a fait le choix de s’entourer ici du producteur Amaury Sauvé (Birds In Row, It It Anita) pour réaliser les sessions et le mix de ce disque hors du commun. Délaissant ses orientations post-rock pour tendre vers le trip-hop tout en conservant ses obsessions doom metal et dark wave, c’est ici la puissance des sons et des émotions qui domine, bien au-delà des genres et des influences.
Introduit par le programmatique Orbain Irekiak (‘cicatrices ouvertes’), dévoilant dès ses premières secondes les basses vrombissantes, les aigus perçants et les percussions cliniques qui feront la marque du disque, les polyphonies vocales incantatoires s’imposent ensuite plus frontalement sur Ufada, toujours dans une ambiance crépusculaire. Tandis que Heriosko Glitza ou surtout le déchirant Lo misent avant tout sur la réverbération et la sobriété pour déployer toute sa mélancolie et nous toucher droit au cœur, le magnétique Irentsi ou l’apocalyptique Okerra semblent autant à voir avec le corps qu’avec l’esprit. En effet, la transe est reine dans le monde d’Orbel, et la berceuse gothique Hitzordua (‘rendez-vous’) ou la conclusion Gau Batez (‘une nuit’) ne font pas exception à la règle.
En dehors de la noirceur de ses titres, Lur Hezea frappe surtout par sa cohérence, sa profondeur et ses voix célestes, harmonies qui tendent vers celles des chants traditionnels basques, bulgares ou du sud de l’Italie, tout en y apportant une touche de modernité salvatrice. De quoi plonger, corps et âme, dans le volcan de cette ‘terre humide’ où tout n’est que matière, magma, magie.
A ECOUTER EN PRIORITE
Ufada, Irentzi, Lo, Hitzordua
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