Opinion – ‘Troisième Opinion’

Album / Howlin Banana – Flippin Freaks – Les Disques du Paradis / 06.12.2024
Lo-fi garage

Le petit prince du DIY, Hugo Carmouze, la figure centrale d’Opinion, est un être insatiable, débordant de créativité et à la productivité exemplaire. Son besoin de créer est nourri par des influences riches et variées, allant du grunge au shoegaze en passant par la scène garage contemporaine. A l’âge où certains se demandent ce que la vie a à leur offrir, le bordelais d’adoption nous offre son douzième album, Troisième Opinion. La musique du groupe oscille entre des sonorités brutes et des explorations expérimentales. Initialement ancrée dans le garage rock, elle est marquée par une esthétique lo-fi délibérée et une énergie brute, héritée d’influences comme Ty Segall, les Osees, ou King Gizzard & The Lizard Wizard (autres stakhanovistes du son). En nous plongeant attentivement dans cet album, dont la grande qualité s’impose, d’autres figures emblématiques nous viennent à l’esprit : Guided By Voices, Daniel Johnston, Sparklehorse, Built To Spill, Alex G, Duster ou MJ Lenderman.

La musique d’Opinion est sans compromis : les saturations hurlent, les imperfections respirent, et les dissonances s’assument pleinement, comme un doigt d’honneur aux productions trop léchées et formatées. L’authenticité est au cœur de l’identité sonore du groupe. L’approche musicale d’Hugo est audacieuse et évolue constamment, intégrant des éléments noise, free jazz et expérimentaux, témoins de sa curiosité pour les musiques décalées. Ce nouvel opus marque l’émancipation totale de l’auteur-compositeur, qui s’affranchit des ombres tutélaires pour trouver une voix singulière. Son équilibre guitare-voix, limpide et cohérent, s’impose avec une évidence désarmante. Dès les premières mesures de Neige Florale, l’auditeur est happé par une ambiance quasi inquiétante. Puis soudain, la voix feutrée et aérienne du songwriter nous rappelle celle du très regretté Elliott Smith. Le texte est riche en images poétiques et troublantes, presque surréaliste. Nous retrouvons cet univers onirique avec Un Petit Chat Dans Mes Bras, titre métaphorique, évoquant une certaine douceur, une dimension intimiste presque enfantine, et dans lequel la beauté est fragile.

La nuit est un thème récurrent de l’album, à l’instar de Pour La Nuit, Par La Fenêtre, ballade dépouillée évoquant une mélancolie nocturne, une introspection profondément intime où la solitude et les souvenirs se mêlent. Vivre comme un oiseau de nuit n’est pas sans risque, et nous pouvons nous heurter à un mur, celui de la lourdeur d’un quotidien pesant comme le décrit Microrange, porté par une légèreté pop. Waking Up – au son rugueux, abrasif et punk – mettra rapidement un terme à votre hypersomnie. Une nostalgie profonde exhale de ce projet musical comme avec Smile (‘I would like to see you smile again, in your eyes, all those moments together at the parc’) ou à l’écoute de Mains qui nous plonge dans nos premiers émois amoureux, des papillons plein l’estomac et qui éveille en nous un bonheur passé. En miroir, Cimetière, For Real et 19 se veulent des compositions plus sombres dans le texte, où il est question de lutte intérieure, d’égarement, de deuil, du temps qui passe et de rêves condamnés à rester chimères. A l’instar de Gemini, la force de cet album réside dans l’écriture, avec des textes directs et minimalistes, mettant l’accent sur l’émotion brute et la libre interprétation.

Avec Troisième Opinion, Hugo Carmouze franchit un nouveau seuil de maturité artistique. Son audace créative est palpable, sa musique assumant pleinement ses imperfections tout en offrant une richesse sonore en constante évolution. L’artiste s’affranchit des codes pour affirmer une voix unique, fidèle à son univers brut et onirique. Cet album témoigne d’une exploration sans limites, où chaque morceau s’impose comme une réflexion profonde et sincère sur l’intime et l’universel. En somme, Troisième Opinion est une œuvre audacieuse, qui ne laisse pas de place au doute !