Opinion – ‘Molly’

Opinion – ‘Molly’

Album / Flippin Freaks / 30.10.2020
Indie rock

Hugo Carmouze, 19 ans au compteur, et déjà sept albums à son actif sous le pseudo Opinion, est un peu une énigme à lui tout seul. Comment ce jeune natif du Gers a-t-il pu acquérir un tel savoir-faire indie-rock en aussi peu de temps ? Génie précoce ? Réincarnation d’un musicien méconnu du passé ? Métempsychose ? Molly, album sorti sur l’excellent label Flippin Freaks, ne fait qu’épaissir un peu plus ce mystère. Et au passage, il permet à l’écurie bordelaise de rajouter une pépite de plus à son panel, à placer directement entre les productions déjà fort référencées et néanmoins bien percutantes de TH Da Freak ou SIZ

Tout comme ces pointures locales, Opinion suit donc une tradition très nineties des groupes à guitares, ici déclinée en de multiples propositions aussi pertinentes qu’actuelles. Riffs cinglants, voix juvénile et goguenarde, compos tubesques… Le tracklisting part dans tous les sens, et pourtant Carmouze réussit à faire mouche quasiment à chaque fois. On pourrait ainsi s’amuser à lister les inspirations les plus saillantes de l’album (c’est un peu la marque de fabrique du label) : ici, Opinion se permet de tutoyer Kurt Cobain, que ce soit par l’intermédiaire des lignes de voix (Pinduck, My Face) ou par les thèmes abordés (Divorce Kid). Là, il joue à colin-maillard avec Ty Segall (Make Out Of, Try To Sleep, Lie). La chanson d’ouverture, la très décontractée I’m Ugly It’s Awesome, lorgne elle plus Mikal Cronin, vieux comparse de Segall. Ailleurs enfin, on remarquera l’ombre psyché-shoegaze de DIIV (The Reason Why, Only You, Divorce Kid encore)…

Molly serait donc un peu la somme de tout ce que le rock slacker a fait de mieux ces trente dernières années, alternant ambiances planantes et hooks plus garage et rentre-dedans à la six-cordes, le tout dans un cocktail d’1h20 à consommer de préférence bien avachi dans son canapé. Cette esthétique générale ne doit pas pour autant tromper l’auditeur, vu le boulot abattu tout au long de ce double LP totalement auto-produit et au son pourtant impeccable. Les exemples abondent sur ce sens très futé de la prod, de la captation du riff hénaurme de On The Naked Moon—aussi gros que celui d’un hit single des Black Keys—aux touches soyeuses de cuivres, comme le saxo un peu free sur Pastel ou cette trompette très Kind of Blue sur le pont de The Reason Why. Et quand surgit le final The Fear, on croirait même entendre le fantôme d’Elliott Smith dans les parties vocales, preuve que Carmouze sait surprendre jusqu’au bout…

Alors oui, Molly aurait peut-être pu se passer des quelques titres dispensables (Northern School, In White Suit…). Mais on est au final assez content qu’Opinion ait fait le choix de ne pas choisir en balançant 22 pistes d’un coup—sélection que l’on imagine d’ailleurs aisément faire partie d’un catalogue de chansons encore plus foisonnant. D’abord parce que les multiples recoins de ce disque donnent facilement envie de s’y replonger, histoire de voir ce qui a pu vous échapper la première fois. Mais aussi parce qu’Opinion, en bon slacker désabusé ne se prenant pas trop au sérieux non plus, n’hésite pas à se moquer de sa propre frénésie productive. C’est le sens de cet insert en français sur le très catchy et très indie-pop It’s Not Your Fault, où s’engage un dialogue hilarant entre le musicien et sa copine légèrement blasée : ‘Ça va, c’était cool ta journée ?’ ‘Ouais c’était cool, et toi ?’ ‘Ouais c’était cool. J’ai écrit une chanson. Comme d’habitude, quoi.’ ‘Ouais, ouais… Comme d’habitude…‘.

La concision, la synthèse, le sens des priorités et de la retenue, ce sera donc pour la prochaine fois, peut-être. En attendant, ayons tous une petite pensée émue pour Mme Opinion, qui doit elle aussi attendre cette nouvelle étape—même si c’est certainement avec un tout petit peu moins de patience que nous.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
My Face, Divorce Kid (I Don’t Wanna Grow Up), On The Naked Moon, Make Out Of, I’m Ugly It’s Awesome, It’s Not Your Fault, The Reason Why (I Will Never Be The One), Pastel, Only You


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