Okkervil River – « I Am Very Far »

Okkervil River – « I Am Very Far »

okk180Album
(Jagjaguwar)
09/05/2011
Pop folk

À juste titre ou non, Okkervil River est de ces groupes qui bénéficient d’un statut presque culte, mythique sans pour autant être médiatique, porté par une communauté de fans fidèles depuis plus d’une dizaine d’années qui ont vu beaucoup d’eau couler sous les ponts. Seul aux commandes depuis le départ de Jonathan Meiburg, Will Sheff a cette fois délibérément mis à profit son travail d’arrangeur sur le dernier album de Roky Erikson, dont il semble s’être imprégné de l’énergie intense et fiévreuse. Ce souffle nouveau amena parait-il des répétitions dantesques en studio, où tous les moyens ont été mis pour servir l’ambition du compositeur.

L’Histoire regorgeant d’échecs en matière de démesure, on aurait pu craindre une effusion d’artifices desservant les mélodies toujours léchées de la formation texane. Les aficionados seront rassurés en apprenant qu’il n’en est rien. En revanche, ils seront probablement déroutés par le virage affirmé par  »I Am Very Far ». S’éloignant discrètement de son americana originelle, Okkervil River appuie une pop pleine d’emphase, riche d’une multiplicité de guitares et de pianos, quand il ne s’agit pas de cuivres ou de cordes. Cet enthousiasme nouveau ne sera pas pour déplaire à ceux qui fuyaient le combo pour son austérité presque revendiquée. Pour autant, si cet album est riche de compositions bouillonnantes et fiévreuses, il cultive l’ambiguïté avec des textes loin d’être toujours heureux. Lyrique, Will Sheff distille à dose d’analogies proches de la nature de nombreuses réflexions nébuleuses voire définitives.

Cette approche rend donc les premières écoutes délicates, l’accumulation des prises, les nombreux instruments doublés pouvant rendre l’album impénétrable si notre oreille n’insiste pas plus. Fort heureusement, le disque, plus proche d’un opus solo que d’une oeuvre collégiale, joue tellement sur la corde sensible qu’il ne peut laisser indifférent. Le sensible et feutré « Piratess » constitue une mise en bouche parfaite pour son successeur  »Rider », titre épique aux pianos syncopés. Okkervil River se fait même majestueux avec  »White Shadow Waltz », premier point culminant de cet album. Orchestrés avec soin, percussions, cordes, guitares et cris forment un maëlstrom dément autour de la voix de Will Sheff, ligne rouge de ces onze compositions. Parmi ces titres, les texans sortent même avec zèle de leur propre chemin avec  »Your Past Life as a Blast », construit autour d’une section basse-batterie bien ronde, assurément le titre le plus électrique de ce chapitre.

Au final, ce sixième album – si l’on excepte les travaux avec Julie Doiron et Shearwater – est avant tout l’oeuvre de son compositeur entouré d’une multitude de musiciens au service de sa pensée. Un nouvel horizon se profile alors pour Okkervil River, bien loin de ces influences texanes dont il fallait bien un jour décrocher pour se renouveler. Parfois proches des envolées mythiques d’Arcade Fire ou des orchestrations de certaines formations britanniques,  »I Am Very Far » signe le renouveau d’une formation désormais bien loin de l’essouflement. Certains habitués ne s’en remettront pas, mais d’autres auditeurs viendront sans l’ombre d’un doute suivre la nouvelle route de Will Sheff et sa bande.

En écoute

Disponible sur
itunes11


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